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386 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

son ressort, et se trouvaient sous sa (urecuon, et, comme ia jeunesse aime le plein air, et ne craint pas les influences de la température, on lui avait abandonné le jardin et sa grande salle, à laquelle on avait ajouté à cet effet, quelques galeries et pavillons, de planches, il est vrai, et de toile seulement, mais avec un goût si noble, que tout rappelait l’idée de la pierre et du marbre. Qu’elles sont rares, les fêtes où le maître se croit obligé à pourvoir de toute manière aux besoins et à l’agrément de ses hôtes ! La chasse et les parties de jeu, de courtes promenades, des asiles commodes, pour les entretiens familiers et solitaires, étaient préparés pour les personnes plus âgées et qui aimait à se coucher de bonne heure était logé loin du bruit.

Grâce à ce bon ordre, le séjour où nous étions semblait être un petit univers, et cependant, si l’on y regardait de près, le château n’était pas grand et, sans la connaissance parfaite du local, sans le génie de l’hôte, il eût été difficile d’y loger tant de monde et de traiter chacun selon goût.

Autant nous est agréable la vue d’une belle personne, autant nous aimons à voir tout un établissement qui nous rend sensible la présence d’un être ingénieux et sage. C’est déjà un plaisir d’entrer dans une maison propre, fût-elle bâtie et meublée sans goût, parce qu’on y reconnaît la présence d’un maître qui a du moins une sorte de culture. Comme ce plaisir est doublé, lorsque, dans une habitation humaine, tout nous révèle une culture supérieure, quoique renfermée dans les choses matérielles

Je fus vivement frappée de cette vérité dans le château de mon oncle. Mes conversations, mes lectures, avaient eu souvent les arts pour objet. Philon était aussi un grand amateur de tableaux et avait une belle collection ; j’avais moi-même beaucoup dessiné ; mais j’étais trop occupée de mes sentiments religieux, et ne songeais qu’à m’éclairer sur la seule chose nécessaire et d’ailleurs tout ce que j’avais vu, comme les autres choses mondaines, ne semblait propre qu’à me distraire. Alors, pour la première ibts, je fus conduite au recueillement par les objets extérieurs, et j’appris à connaître la différence qui existe entre le chant délicieux que la nature dicte au rossignol et un