Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/383

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE WILHELM MEISTER. 379

car cela écarte en même temps les images nuisibles et leurs funestes effets ; puis notre âme s’empare souvent de quelqu’une de ces images spirituelles, et, avec ce secours, elle prend un peu l’essor, comme un jeune oiseau voltige d’une branche sur une autre. Aussi longtemps que l’on n’a rien de mieux, cet exercice n’est pas à rejeter.

Des images et des impressions qui nous dirigent vers Dieu, nous en trouvons dans les institutions religieuses, dans le son des cloches, l’harmonie de l’orgue et du chant, et surtout les discours de nos prédicateurs. J’en étais avide au delà de toute expression ; ni le mauvais temps ni ma santé débile ne m’empêchaient de fréquenter les églises, et, quand j’étais retenue au lit par la maladie, le son des cloches, le dimanche, pouvait seul me causer quelque impatience. J’aimais beaucoup à entendre le premier prédicateur de la cour, qui était un excellent homme ; j’estimais aussi ses confrères, et je savais choisir, même dans les vases d’argile, les pommes d’or de la parole divine parmi les fruits terrestres. Aux exercices publics j’ajoutais toutes les formes possibles de ce qu’on appelle édification particulière, et par là je ne faisais que nourrir mon imagination et mon délicat sensualisme. J’étais si accoutumée à cette marche, je la respectais si fort, qu’aujourd’hui même je n’imagine rien de plus élevé. C’est que mon âme a des antennes et non des yeux ; elle tâtonne, elle ne voit pas. Ah ! si elle avait des yeux et si elle osait voir !

Je retournai donc, pleine d’ardeur, aux prédications mais, hélas que m’arriva-t-il ? Je n’y trouvais plus ce que j’avais trouvé jusqu’alors. Ces prédicateurs usaient leurs dents à la coque du fruit dont je savourais le noyau. Ils me lassèrent bientôt, mais j’avais trop de besoins factices pour m’en tenir à cet unique ami, que je savais pourtant trouver. Il me fallait des images, j’avais besoin d’impressions extérieures, et je croyais sentir de purs besoins spirituels.

La famille de Philon avait été en rapport avec la communauté des Moravcs ; il se trouvait encore dans sa bibliothèque beaucoup d’ouvrages du comte de Zinzendorf. Philon m’en avait parlé quelquefois d’une manière très-claire et très-favorable, et m’avait engagée à feuilleter quelques-uns de ces écrits, ne fùt-ce