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DE WILHELM MEISTER. 345

s’évanouir l’espérance d’un si précieux trésor. En attendant, je me consolais en lisant de ces livres, dans lesquels étaient rapportées de merveilleuses aventures. Celle que je préférais à toutes les autres était l’~ercu~ allemand et c/M~ten. Cette pieuse histoire d’amour était tout à fait selon mon cœur. Arrivait-il quelque chose à sa chère Valiska (et il lui arrivait de cruels malhcurs), le héros se mettait en prière avant de voler à son secours, et les prières se trouvaient tout au long dans le livre. Combien cela me charmait ! Mon inclination pour l’Être invisible, dont j’avais toujours en moi le confus sentiment, en était fortifiée ; car un jour enfin Dieu devait être aussi mon confident. Je grandissais, je lisais au hasard toutes sortes de livres ; mais la Romaine Oc~Me’ eut la préférence sur tous les autres les persécutions des premiers chrétiens, présentées sous la forme du roman, excitèrent chez moi le plus vif intérêt.

Ma mère finit par se fâcher de cette lecture continuelle ; pour lui complaire, mon père m’ôtait un jour les livres de la main, et, le lendemain, il me les rendait. Assez prudente pour reconnaître qu’elle n’y pouvait rien changer, elle exigea seulement que la Bible fût aussi l’objet de ma lecture assidue. Je n’avais pas besoin d’être contrainte, et je lus l’Écriture sainte avec un grand intérêt. Au reste, ma mère avait toujours veillé à ce qu’aucun livre dangereux ne me tombât dans les mains, et moimême j’aurais repoussé tout ouvrage immoral car mes princes et mes princesses étaient tous éminemment vertueux ; et d’ailleurs j’en savais, sur l’histoire naturelle du genre humain, plus que je n’en laissais paraître, et c’est surtout dans la Bible que je l’avais appris. Je rapprochais les passages scabreux des discours et des choses dont j’étais témoin, et, avec mon désir de savoir et mon aptitude à comparer, je démêlais heureusement la vérité. Si j’avais ouï parler de sorcières j’aurais absolument voulu connaître aussi la sorcellerie.

Je dus à ma mère, et à ce désir de savoir, de joindre à ma passion pour la lecture le goût de la cuisine. C’était encore une occasion de m’instruire. Découper un coq, un cochon de lait, était 1. L’HefCt ; !e chfe’h’e~, histoire merveilleuse, par André-Henri Buc !ihotz ;]a. RotMùtc OchMt’e, roman, par Ant. Ulric, duc de Brunswick.