Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/34

Cette page n’a pas encore été corrigée

la main par l’entremise de Marianne, pour l’arracher à la vie bourgeoise, monotone et languissante, dont il avait depuis si longtemps désiré s’affranchir. Abandonner sa famille et la maison paternelle lui semblait chose facile. Il était jeune, étranger au monde, et son ardeur de courir au loin, après le bonheur et la jouissance, était augmentée par l’amour. Sa vocation pour le théâtre lui paraissait désormais évidente ; le noble but qu’il voyait dressé devant ses yeux lui paraissait plus proche, depuis qu’il y tendait en donnant la main à Marianne ; et il voyait en lui, avec une orgueilleuse modestie, l’excellent comédien, le créateur d’un théâtre national, après lequel il avait vu tant de gens soupirer. Tout ce qui avait sommeillé jusqu’alors dans les derniers replis de son âme s’éveillait aujourd’hui. Avec les couleurs de l’amour et mille pensées diverses, il peignait, sur un fond de nuages, un tableau, dont les figures se confondaient, il est vrai, les unes avec les autres, mais dont l’ensemble produisait un effet d’autant plus ravissant.


Chapitre X

Wilhelm était assis dans sa chambre ; il faisait la revue de ses papiers et se préparait au départ. Ce qui avait rapport à sa destination précédente était mis à l’écart ; il voulait, pendant ses pèlerinages, s’affranchir de tout souvenir désagréable. Les ouvrages de goût, les poètes et les critiques furent, comme de vieux amis, placés parmi les élus ; et, comme il avait jusqu’alors très-peu étudié les principes de l’art, il sentit renaître son désir de s’instruire, en revoyant ses livres, et en observant que la plupart des ouvrages de théorie n’étaient pas encore coupés. Pleinement convaincu que ces ouvrages lui étaient nécessaires, il s’en était procuré un grand nombre, et, avec la meilleure volonté