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DE WILHELM MEISTER. 3~9 ~~riV !tf’r)’~n~miM<-).~trt~«ir.n~n~.j

.Maison il m’écrivit en allemand et quel allemand sincère, énergique et vrai Mais lorsqu’il voulut se détacher de moi, il se mit à m’écrire en français, ce qu’il avait fait quelquefois auparavant, mais seulement par plaisanterie. Je sentis, je compris ce que cela m’annonçait. Ce qu’il rougissait de me dire dans sa langue maternelle il pouvait l’écrire en sûreté de conscience. C’est une langue admirable pour les réserves, les réticences et le mensonge c’est une langue per/Me Je ne trouve, Dieu soit loué, aucun mot allemand pour rendre ~Me dans toute son étendue. Notre misérable ~’< ;M~ n’est auprès qu’un innocent enfant. Perfide manque de foi avec jouissance, avec orgueil, avec une maligne joie. Oh qu’elle est digne d’envie la civilisation d’un peuple qui peut exprimer en un seul mot de si délicates nuances Le français est vraiment la langue du monde, digne d’être la langue universelle afin que tous les hommes se puissent abuser et trahir à leur aise les uns les autres. Les lettres qu’il m’écrivait en français étaient encore agréables à lire si l’on voulait se faire illusion, on pouvait y trouver de la chaleur et même de la passion mais, considérées de près, ce n’étaient que des phrases, des phrases maudites Il a détruit chez moi toute espèce de goût pour la langue, pour la littérature française, et même pour les belles et précieuses pensées que de nobles âmes ont exprimées en cette langue ; je frissonne dès que j’entends un mot de française

Elle pouvait continuer ainsi, durant des heures, à témoigner son mécontentement, au point d’interrompre ou de troubler toute autre conversation. Tôt ou tard Serlo mettait fin avec quelque amertume a ses capricieux discours ; mais d’ordinaire on ne pouvait plus, de toute la soirée, renouer l’entretien. En général, et une triste expérience le prouve, tout ce qui 1. Ce mot est en français dans l’original.

2. TREUE, /b) ; Lus, dehe, détaché. Ce dernier mot a la force d’une négation. 3. S’il en était besoin, on répondrait à Aurélie que la nation qui emploie le mot le plus énergique pour exprimer le manque de foi, doit être celle à qui cette violation est le plus odieuse. Aurélie n’est pas moins égarée par une aveugle antipathie, lorsqu’elle accuse d’être favorable aux réticences et au mensonge la plus claire de toutes les langues. Au reste, les lecteurs n’attacheront pas trop d’importance à ce passage, et ne supposeront pas que Goethe ait voulu sérieusement mettre sa pensée dans la bouche d’une amante malheureuse, à laquelle il devait prêter le langage de la passion. (.fYe dM (raducfe~.)