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DE WIMIELM MEISTER. 319

A ïorce de questions, Wilhelm apprit enfin que le joueur de harpe, lorsqu’ils furent parvenus dans la voûte, lui avait arraché la lumière des mains et avait mis le feu à la paille puis, ayant couché Félix par terre, il avait ensuite, avec des gestes bizarres, posé les mains sur la tête de l’enfant et tiré un couteau, comme s’il avait voulu l’immoler en sacrifice ; elle s’était élancée sur lui et, lui ayant arraché le couteau, elle avait crié ; un habitantde la maison, qui avait sauvé quelques meubles au jardin, était venu à son aide ; mais il fallait que, dans la confusion, il se fût retiré et qu’il eût laissé seuls le vieillard et l’enfant. Deux ou trois maisons étaient en flammes. Personne n’avait pu se sauver dans le jardin, pendant que le feu était sous la voûte ; Wilhelm était inquiet de ses amis ; il ne se préoccupait guère de ses effets il n’osait quitter les enfants, et voyait le désastre augmenter toujours.

Il passa quelques heures dans cette anxiété. Félix s’était endormi sur ses genoux ; Mignon était assise à son côté et lui serrait la main. Enfin l’on était parvenu à se rendre maître du feu. Les maisons brûlées s’écroulèrent ; le matin approchait ; les enfants commençaient à souffrir du froid, et lui-même, légèrement vêtu, il était fort incommodé de la rosée. Il les conduisit vers les ruines de la maison écroulée, et ils trouvèrent, auprès d’un monceau de cendres et de charbons, une bienfaisante chaleur.

Le jour naissant réunit peu à peu tous les amis, toutes les connaissances ; tout le monde était sauvé, personne n’avait beaucoup perdu.

Les effets de Wilhelm se retrouvèrent. A dix heures, Serlo fit répéter du moins quelques scènes d’Fam/et, dont les acteurs avaient changé. 11 eut, au sujet de cette pièce, quelques débats avec la police le clergé demandait qu’après un pareil châtiment du ciel, on fermât le théâtre, et Serlo soutint que, soit pour le dédommager de ce qu’il avait perdu cette nuit, soit pour réconforter les esprits consternés, la représentation d’un drame intéressant était plus que jamais à sa place. Cet avis prévalut et la salle fut comble. Les acteurs jouèrent avec une rare chaleur ; avec plus de passion et de liberté que la première fois. Les spectateurs, dont la sensibilité était exaltée par l’horrible scène