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DE WILHELM MEISTER. 315

Arrivé dans sa chambre, Wilhelm se hâta de se déshabiller, d’éteindre sa lumière et de se mettre au lit. Le sommeil allait s’emparer de lui, mais un léger bruit, qu’il crut entendre derrière le poêle, attira son attention. La figure du roi couvert de son armure flottait dans son imagination échauffée ; il s’assit, pour adresser la parole au spectre, lorsqu’il se sentit entouré de deux bras délicats ; de tendres baisers lui fermèrent la bouche, et il sentit sa poitrine pressée par un beau sein, qu’il n’eut pas le courage de repousser.

CHAPITRE XIII.

Le lendemain, Wilhelm se réveilla avec un sentiment pénible, et se trouva seul dans son lit. Les vapeurs du vin, que le sommeil n’avait pas entièrement dissipées, lui laissaient encore la tête pesante, et il ne songeait pas sans inquiétude à la visite nocturne de la belle inconnue. Ses premiers soupçons tombèrent sur Philine, et cependant le corps charmant qu’il avait pressé dans ses bras ne semblait pas être le sien. Il s’était endormi au milieu des plus vives caresses, à côté de cette étrange et muette visite, et maintenant il n’en découvrait plus aucune trace. Il sauta à bas du lit, et il vit, en s’habillant, que sa porte, qu’il avait coutume de fermer à clef, était seulement appuyée : il ne put se rappeler s’il l’avait fermée la veille.

Mais ce qui l’étonna surtout fut le voile du fantôme, qu’il trouva sur son lit ; il l’avait apporté, et probablement il l’avait lui-même jeté là. C’était un crêpe gris. Sur la bordure, il vit cette inscription brodée en lettres noires « Pour la première fois et la dernière, fuis, jeune homme, fuis ! »

Dans cet instant, Mignon entra et lui apporta son déjeuner. L’aspect de cette enfant le surprit, on pourrait dire, l’effraya.