Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/315

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE WILHELM MEISTER. 311

CHAPITRE XII.

Le rideau tomba et les plus vifs applaudissements retentirent dans toute la salle. Les quatre princes morts se relevèrent lestement et s’embrassèrent de joie. Polonius et Ophélie sortirent de leurs tombeaux, et ils eurent encore le vif plaisir d’entendre comme Horatio, lorsqu’il s’avança pour l’annonce, fut accueilli par des battements de mains frénétiques. On ne voulut entendre parler d’aucune autre pièce, et l’on demanda, avec enthousiasme, une seconde représentation d’Hamlet.

« La bataille est gagnée s’écria Serlo. Ce soir, plus an seul mot de raison ! Tout dépend de la première impression. Il ne faut pas trouver mauvais que tout comédien soit circonspect et obstiné dans ses débuts. »

Le caissier vint, et lui présenta une magnifique recette. « Nous avons bien débuté, dit Serlo, et le préjugé nous profitera. Où donc est le souper qu’on nous a promis ? Nous avons droit de nous régaler aujourd’hui. »

Ils étaient convenus de passer la soirée ensemble dans leurs habits de théâtre et de se donner une fête. Wilhelm s’était chargé du local, et Mme Mélina du souper.

Une salle, où l’on peignait les décors, avait été mise en état, ornée de diverses décorations, et si bien disposée, qu’elle avait l’air d’un jardin bordé d’une colonnade. Dès l’entrée, la société fut éblouie par l’éclat des lumières, qui répandaient sur une table bien parée et bien servie un air de fête, à travers la vapeur des plus doux parfums, que l’on n’avait pas épargnés. On se récria sur la beauté de ces apprêts et l’on prit place avec cérémonie. Wilhelm était assis entre Aurélie et Mme Mélina ; Serlo, entre Elmire et Philine ; nul n’était mécontent de lui-même et de sa place.