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DR WILHELM MEISTER. 295

vaient être excellents en eux-mêmes, mais qu’ils devaient tous deux rester dans les limites du genre.

° Ces limites mêmes, répondit Wilhelm, ne me sont pas encore clairement tracées.

Pour qui le sont-eiles ? reprit Serlo et pourtant il vaudrait la peine d’éclaircir la chose. »

On discourut longtemps, et voici quel fut à peu près le résultat de l’entretien.

Dans le roman, comme dans le drame, nous voyons en action la nature humaine. La différence des deux genres ne tient pas uniquement à la forme extérieure ; à ce que, dans le drame, les personnages parlent, et que, dans le roman, on raconte d’ordinaire leurs actions Malheureusement, beaucoup de drames ne sont que des romans dialogués, et il ne serait pas impossible de composer un drame sous forme de lettres.

Dans le roman, on doit surtout présenter des sentiments et des aventures, dans le drame, des caractères et de l’action il faut que l’un marche lentement, et que les sentiments du personnage principal suspendent, d’une manière quelconque, la marche de l’ensemble vers la conclusion ; l’autre, doit se hâter, et le caractère du personnage principal courir au dénoûment, étant seulement arrêté par des obstacles. Le héros du roman doit être passif, ou du moins il ne doit pas être actif à un haut degré ; au héros du drame on demande des actes et des efl’ets. Grandisson, Clarisse, Paméla, le vicaire deWakefield, Tom Joncs lui-même, sont des personnages, sinon passifs, du moins propres à ralentir l’action, et tous les événements sont, en quelque sorte, modelés sur leur manière de sentir. Dans le drame, le héros ne modèle rien sur lui-même ; tout lui résiste ; il écarte et renverse les obstacles, ou il en est écrasé. On convint aussi que l’on peut admettre dans le roman les caprices du hasard mais qu’il doit toujours être conduit et dirigé par les sentiments des personnages, tandis que le destin, qui, sans la participation des hommes, les pousse, par un ensemble de circonstances, vers une catastrophe imprévue, n’est à sa place que dans le drame que le hasard peut amener des situations pathétiques mais non tragiques que le destin, au contraire, doit toujours être terrible, et qu’il est tragique au