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290 LES ANNHF.S D’APPnn~TISSAC.E

CHAPITRE VI.

Plusieurs personnages d’Fa~e< avaient disparu dans le remaniement, mais le nombre en était encore assez grand, et la troupe semblait ne pouvoir y suffire.

« Je commence à croire, dit Serlo, que notre souffleur devra lui-même sortir de son trou, se mêler parmi nous, et devenir un personnage.

Je l’ai souvent admiré dans ses fonctions, dit Wilhelm. Je ne crois pas, dit Serlo, qu’il existe un souffleur plus accompli ; nul spectateur ne l’entend jamais, et nous, sur la scène, nous saisissons chaque syllabe. Il s’est fait en quelque sorte un organe particulier, et il est comme un génie, qui nous fait entendre au besoin un murmure intelligible. Il devine quelle partie de son rôle l’acteur possède parfaitement, et prévoit de loin quand la mémoire lui manquera. En certaines occasions, que j’avais eu à peine le temps de parcourir mon rôle, et qu’il me l’a soufflé d’un bout a l’autre, je l’ai joué avec succès. Il a cependant quelques singularités, qui rendraient incapable tout autre que lui il prend un intérêt si véritable aux pièces qu’on joue, que, sans déclamer précisément les passages pathétiques, il les lit avec émotion. Par cette mauvaise habitude, il m’a égaré assez souvent.

Et, par une autre singularité, dit Aurélie, il me laissa un jour dans l’embarras, au milieu d’un endroit très-difficile. Puisqu’il est si attentif, comment cela s’est-il pu faire ? ` ? demanda Wilhelm.

Il est si ému dans certains passages, répondit Aurélie, qu’il fond en larmes, et perd contenance pour quelques instants et ce ne sont pas proprement les endroits qu’on appelle