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DE WILHRUI ME~STER. 241

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GOETHE. A~K. D’At’R. Jg (i

ordinaire, je saurais supporter doucement un mal ordinaire mais il sort de la règle commune. Que ne puis-je vous en montrer l’image dans un miroir fidèle ! Que ne puis-je charger quelqu’un de vous le raconter Oh si j’avais été séduite surprise et puis abandonnée, je trouverais encore un soulagement dans le désespoir ; ma situation est bien plus cruelle c’est moi qui me suis séduite je me suis trompée moi-même et j’ai voulu l’être voilà ce que jamais je ne pourrai me pardonner. -Avec des sentiments aussi nobles que les vôtres, répondit Wilhelm, vous ne pouvez être tout à fait malheureuse. Et savez-vous à qui je les dois ces sentiments ? A la plus détestable éducation qui aurait jamais dû corrompre une jeune fille ; a l’exemple le plus mauvais, le plus fait pour égarer le cœur et les sens.

« Après la mort prématurée de ma mère, je passai les plus belles années de mon adolescence chez une tante, qui s’était fait une loi de braver les lois de l’honneur. Elle se livrait aveuglément à toutes ses passions, et, soit qu’elle fût avec ses amants l’esclave ou la maîtresse toujours satisfaite, pourvu que dans ses plaisirs enrénés, elle pût s’oublier elle-même.

Enfants, comme nous l’étions, avec le regard limpide et pur de l’innocence, quelle idée pouvions-nous nous faire des hommes ? Comme ils étaient stupides, importuns, effrontés, impudents, ceux qu’elle attirait auprès d’elle Comme ils étaient dégoûtés, dédaigneux, hébétés, insipides, aussitôt qu’ils avaient satisfait leurs désirs ! C’est ainsi que j’ai vu, des années entières, cette femme avilie sous la tyrannie des êtres les plus pervers. Quels traitements ne devait-elle pas souffrir, et de quel front savait-elle se résigner à son sort de quel air, porter ces honteuses chaînes

e< Voilà, mon ami, comment j’appris à connaître votre sexe. Oh ! comme je sus le haïr franchement, quand je crus observer que même des hommes estimables semblaient renoncer, dans leurs rapports avec les femmes, à tous les bons sentiments dont la nature les avait d’ailleurs rendus capables

« Malheureusement, je dus aussi, dans ces circonstances, faire e sur mon sexe beaucoup d’expériences affligeanies ; et, en vérité à l’âge de seize ans, j’étais plus raisonnable qu’aujourd’hui,