Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/232

Cette page n’a pas encore été corrigée

228 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

de harpe a la découverte. Cette espérance fut encore trompée. Le vieillard eut beau prendre des informations, elles ne le mirent point sur la trace. On avait vu à cette époque beaucoup de mouvements rapides et de marches imprévues dans la contrée ; personne n’avait pris garde à ces voyageurs, si bien que le messager envoyé à la découverte avait dû revenir, de peur qu’on ne le prît pour un espion juif, et reparaître devant son maître et son ami sans rameau d’olivier. Il rendit un compte exact de la manière dont il avait cherché à remplir son message, voulant éloigner de lui tout soupçon de négligence. Il cherchait par tous les moyens à calmer le chagrin de Wilhelm ; il repassait en luimême tout ce qu’il avait appris du chasseur, et mettait en avant maintes conjectures, parmi lesquelles il se présenta enfin une circonstance qui permit a Wilhelm de s’expliquer quelques paroles énigmatiques de la belle inconnue.

En effet, ce n’était pas la troupe ambulante que les brigands attendaient au passage ; c’était cette noble famille, quils supposaient avec raison pourvue de beaucoup d’or et d’objets précieux, et dont la marche devait leur être parfaitement connue. On ne savait s’il fallait accuser de l’attentat un corps franc, des maraudeurs ou des brigands. Quoi qu’il en fût, heureusement pour la noble et riche caravane, les chetifs et les pauvres avaient occupé les premiers la place, et subi le sort que l’on réservait aux autres. Tel était le sens des paroles de la jeune dame, que Wilhelm avait fort bien retenues. Si donc il pouvait être heureux et satisfait de ce qu’un génie prévoyant l’avait choisi pour être la victime qui devait sauver une mortelle accomplie, en revanche, il était comme désespéré de voir que, du moins pour le moment, toute chance de la retrouver, de la revoir, avait disparu.

Ce qui augmentait son trouble, était la ressemblance qu’il croyait avoir découverte entre la comtesse et la belle inconnue. Elles se ressemblaient comme peuvent se ressembler deuxsosurs, dont aucune ne saurait être appelée l’aînée ou la.cadette, et que l’on dirait deux sœurs jumelles.

Le souvenir de l’aimable comtesse lui était d’une douceur infinie il ne se rappelait que trop tendrement son image maintenant la figure de la noble amazone venait d’abord à la traverse ;