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226 LES ANNÉES D’APPRENTISSAGE

lorsqu’elle parut s’éveiller. H ferma doucement les yeux, mais il ne put s’empêcher d’entr’ouvrir les paupières et de l’observer, lorsqu’elle rajusta sa toilette, et qu’elle sortit pour savoir des nouvelles du déjeuner.

Tous les comédiens s’étaient présentés successivement chez Wilhelm, et lui avaient demandé, avec plus ou moins de rudesse et de grossièreté, des lettres de recommandation et de l’argent pour le voyage, et toujours, contre le gré de Philine, ils en avaient obtenu. Vainement elle représentait à son ami que le chasseur avait aussi remis à ces gens une somme considérable et qu’on se moquait de lui. Ils en vinrent même là-dessus à une vive dispute, et Wilheim lui déclara, une fois pour toutes, qu’elle ferait bien de rejoindre le reste de la troupe et de chercher fortune auprès de Serlo.

Elle ne perdit qu’un moment son insouciance, puis elle se remit bien vite et s’écria

« Si je retrouvais seulement mon blondin, je me soucierais fort peu de vous tous. »

Elle voulait parler du petit Frédéric, qui avait disparu du champ de bataille, et dès lors ne s’était plus montré. Le lendemain, Mignon vint apprendre à Wilheim, dans son lit, que Philine était partie pendant la nuit. Elle avait laissé en bon ordre, dans la chambre voisine, tout ce qui appartenait à Wilhelm. Il sentit son absence : il avait perdu en elle une garde fidèle, une compagne agréable ; il n’avait plus l’habitude d’être seul ; mais Mignon combla bientôt ce vide.

Tandis que cette beauté légère avait environné le blessé de ses soins caressants, la petite fille s’était retirée insensiblement à l’écart, recueillie et silencieuse ; mais, lorsqu’elle retrouva le champ libre, elle fit paraître sa vigilance et son amour ; elle était empressée pour servir son maître et joyeuse pour le distrnirc.