Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome VI.djvu/225

Cette page n’a pas encore été corrigée

DE wrLIIELM MEISTEH. 221

femme, et c’est ce qu’on vous devait que vous avez perdu. Oh ! s’il n’y avait que cela »

Et, de plus belle, il trépignait, il insultait et criait. Chacun se rappelait les beaux habits de la garde-robe du comte, les boucles, les montres, les tabatières, les chapeaux, que Mélina avait achetés à si bon compte du valet de chambre. Puis chacun passait en revue ses propres trésors, quoique bien moins considérables. On lorgnait avec dépit le coure de Philine, et l’on faisait entendre à Wilhelm que vraiment il n’avait pas mal fait de s’associer avec cette belle, dont le bonheur avait sauvé ses propres effets.

Croyez-vous donc, leur dit-il avec véhémence, que j’aurai quelque chose en propre, aussi longtemps que vous serez dans la gêne ? Que l’on ouvre le coffre ! Je consacre aux besoins communs ce qui m’appartient.

C’est mon coffre, dit Philine, et je ne l’ouvrirai pas avant que cela me convienne. Les deux ou trois nippes que vous m’avez confiées produiraient peu d’argent, quand elles seraient vendues aux plus honnêtes de tous les juifs. Songez à vous, a ce que coûtera votre guérison, à ce qui peut vous survenir en pays étranger. Philine, s’écria Wilhelm, vous ne me retiendrez pas ce qui est à moi, et ce peu suffira pour nous tirer du premier embarras. Mais l’homme a d’autres ressources encore que les espèces sonnantes pour secourir ses amis. Tout ce qui est en moi, je le voue à ces infortunés, qui, assurément, lorsqu’ils seront revenus à eux-mêmes, regretteront leur conduite présente. Oui, poursuivit-il, je sens vos besoins, et, ce que je pourrai, je le ferai pour vous. Rendez-moi votre confiance ; tranquillisez-vous pour le moment ; acceptez mes promesses. Qui veut recevoir ma parole au nom de tous ?

A ces mots, il tendit la main, et il s’écria

Je promets de ne pas vous quitter, de ne pas me séparer de vous, avant que chacun voie sa perte deux fois et trois fois réparée avant que vous ayez complètement oublié l’état où vous êtes, quel qu’en puisse être l’auteur, et que vous l’ayez échangé contre un sort plus heureux.

Wilhelm présentait toujours sa main, et personne ne voulait la prendre.