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accident, j’avais joué parfaitement. À cela se joignirent les suffrages des spectateurs, qui soutenaient que le lieutenant, quoiqu’il eût produit de grands effets avec les grosses voix et les voix flûtées, déclamait le plus souvent avec trop de roideur et d’affectation, tandis que le débutant avait dit à merveille son David et son Jonathas ; ma mère loua surtout le ton de franchise avec lequel j’avais défié Goliath et présenté au roi le modeste vainqueur.

«  Dès lors, à ma grande joie, on laissa le théâtre debout, et, quand revint le printemps, où l’on pouvait se passer de feu, je me tenais dans la chambre, à mes heures de liberté, et je faisais bravement jouer mes marionnettes. J’invitais souvent mes frères, mes sœurs et mes camarades, et, s’ils ne voulaient pas venir, je jouais tout seul. Mon imagination animait ce petit monde, qui prit bientôt une forme nouvelle.

«  J’eus à peine représenté quelquefois la première pièce, pour laquelle le théâtre et les acteurs avaient été faits et façonnés, que je n’y trouvai plus aucun plaisir. Mais j’avais rencontré parmi les livres de mon grand-père des pièces allemandes et divers opéras imités de l’italien : je m’enfonçai dans cette littérature, et, me bornant chaque fois à faire le compte des personnages, je passais ensuite purement et simplement à la représentation. Le roi Saül, avec son habit de velours noir, devait figurer Chaumigrem, Caton et Darius. Au reste il faut remarquer que les pièces n’étaient jamais jouées en entier, mais seulement le cinquième acte, où pouvait figurer le coup de poignard.

«  Il était naturel que l’opéra, avec ses métamorphoses et ses merveilles diverses, m’attirât plus que tout le reste. Là je trouvais des mers orageuses, des divinités qui descendent sur les nuages, et, ce qui faisait surtout mon bonheur, les éclairs et le tonnerre. J’appelais à mon secours le carton, le papier, les couleurs ; je savais parfaitement imiter la nuit ; l’éclair était terrible à voir ; le tonnerre ne réussissait pas toujours, mais cela n’était pas de grande conséquence. Je trouvais aussi dans les opéras plus d’occasions d’employer mon David et mon Goliath,