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bibliothèque, si bien qu’à la fin le comte se trouvait assis au milieu d’un monceau de livres.

Enfin, aucune Minerve ne lui revenant plus à la mémoire, il s’écria, en éclatant de rire :

«  Je gagerais qu’il ne reste plus maintenant une seule Minerve dans ma bibliothèque, et ce pourrait bien être la première fois qu’une collection de livres se voit privée aussi complètement de l’image de sa divinité protectrice. »

Toute la société applaudit à cette saillie, et Jarno surtout, qui avait excité le comte à faire apporter toujours plus de livres, riait de tout son pouvoir.

«  Maintenant, dit le comte, en se tournant vers Wilhelm, la question capitale est de savoir quelle déesse vous avez en vue : est-ce Minerve ou Pallas, la déesse de la guerre ou celle des beaux-arts ?

— Votre Excellence ne pense-t-elle pas, répondit Wilhelm, que le mieux serait de ne pas s’exprimer là-dessus d’une manière positive, et, puisque la déesse joue dans la mythologie un double personnage, de la faire paraître en sa double qualité ? Elle annonce un guerrier, mais seulement pour tranquilliser le peuple ; elle célèbre un héros, mais en exaltant son humanité ; il triomphe de la violence, et rétablit parmi le peuple la joie et le repos. »

La baronne, qui craignait que Wilhelm ne se trahît, se hâta de faire intervenir le tailleur de la comtesse, qui fut invité à donner son avis sur la meilleure manière de couper la robe antique. Cet homme, costumier expérimenté, sut rendre la chose très-facile ; et, comme Mme Mélina, malgré sa grossesse fort avancée, s’était chargée du rôle de la vierge divine, le tailleur reçut l’ordre de lui prendre mesure, et la comtesse désigna, non sans provoquer quelque mauvaise humeur parmi ses femmes de chambre, celles de ses robes qui seraient découpées pour cet usage.

La baronne sut encore éloigner Wilhelm avec adresse, et lui fit bientôt savoir qu’elle avait pris soin du reste. Elle lui envoya sans retard le maître de chapelle du comte, soit pour mettre en musique les morceaux nécessaires, soit pour adapter aux autres des mélodies convenables, tirées de son répertoire. Tout alla dès