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pour la rendre agréable au comte. Le baron proposa de présenter le chef des soldats comme le génie de la discorde et de la violence ; Minerve paraîtrait ensuite, le mettrait aux fers, annoncerait l’arrivée du héros et célébrerait ses louanges. La baronne se chargea de persuader au comte que l’on avait suivi, avec quelques changements, le plan que lui-même avait donné. Mais elle demanda expressément que l’on produisît, à la fin de la pièce, le buste, le chiffre et le chapeau du prince ; car, sans cela, toute négociation serait inutile.

Wilhelm, qui s’était déjà figuré les louanges délicates qu’il adresserait au prince par la bouche de Minerve, ne céda sur le dernier point qu’après une longue résistance ; mais il se sentit vaincu par une bien douce violence : les beaux yeux de la comtesse et ses manières aimables l’auraient aisément décidé à sacrifier même la plus agréable et la plus belle conception, l’unité, si désirée, d’une composition et tous les plus heureux détails, et à travailler contre sa conscience de poète. Sa conscience de citoyen eut aussi à soutenir un rude combat, lorsqu’on on vint à la distribution des rôles, et que les dames exigèrent expressément qu’il en prît un.

Laërtes avait, pour sa part, le terrible dieu de la guerre ; Wilhelm devait représenter le chef des gens du pays, qui avait à dire quelques vers agréables et touchants. Après avoir regimbé quelque temps, il finit par se rendre ; il ne trouva surtout point d’excuse, quand la baronne lui représenta que le théâtre du château devait être purement considéré comme un théâtre de société, où elle jouerait elle-même volontiers, si seulement on pouvait amener la chose d’une manière convenable. Là-dessus les dames congédièrent Wilhelm avec une grâce charmante. La baronne lui assura qu’il était un homme incomparable, et l’accompagna jusqu’à l’escalier dérobé, où, en lui disant adieu, elle lui pressa doucement la main.