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— Et que devint le ballet ? interrompit la vieille. Je crains que tout ne soit pas allé pour le mieux.

— Tout alla fort bien, répondit Wilhelm. Les sauts merveilleux des Mores et des Moresses, des bergers et des bergères, des nains et des naines, m’ont laissé, pour toute la vie, un souvenir confus. Ensuite le rideau tomba, la porte se ferma, et toute la petite société, ivre de joie, alla se coucher.

« Mais je sais bien que je ne pouvais m’endormir ; j’aurais voulu que l’on me racontât encore quelque chose ; je fis encore beaucoup de questions, et ne laissai partir qu’à regret la servante qui nous avait menés au lit.

« Le lendemain, hélas ! Le magique échafaudage avait disparu ; le mystérieux rideau était enlevé ; on passait de nouveau librement, par cette porte, d’une chambre à l’autre, et tant de prodiges n’avaient laissé aucune trace. Mes frères et mes sœurs couraient çà et là avec leurs jouets : moi seul, je rôdais de tous côtés ; il me semblait impossible qu’il n’y eût que les deux montants d’une porte là où j’avais vu, la veille, tant de magie. Ah ! celui qui cherche ses amours, qu’il a perdus, ne peut être plus malheureux que je ne croyais l’être alors. »

Un regard, plein d’une joyeuse ivresse, qu’il jeta sur Marianne, lui disait assez qu’il ne craignait pas d’éprouver jamais ce malheur.


Chapitre IV

« Mon unique désir, continua Wilhelm, était de voir une seconde représentation de la pièce. Je sollicitai ma mère ; elle essaya de persuader mon père dans un moment favorable ; mais ses efforts furent inutiles. Il assurait qu’un plaisir rare avait seul du prix pour les hommes ; que jeunes et vieux ne savaient point apprécier les biens dont ils jouissaient tous les jours.