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d’air, qui jouaient à travers les vitres brisées, lui donnaient une direction incertaine ; on craignit de mettre le feu au château ; il fallut retirer les tisons, les fouler aux pieds, les éteindre : la fumée en fut plus épaisse ; la situation était intolérable et l’on touchait au désespoir.

Wilhelm, pour éviter la fumée, s’était retiré dans une chambre écartée, où Mignon le suivit bientôt et lui amena un domestique en belle livrée, qui portait une grande et brillante lanterne à deux chandelles. Cet homme s’approcha de Wilhelm, et, en lui présentant, sur une assiette de belle porcelaine, des fruits et des confitures, il lui dit :

«  Voilà ce que vous envoie la jeune dame de là-bas, avec prière de la rejoindre. Elle vous fait dire, ajouta-t-il d’un air léger, qu’elle se trouve fort bien, et qu’elle désire partager son contentement avec ses amis. »

Wilhelm n’attendait rien moins que cette proposition, car, depuis la scène du banc de pierre, il avait traité Philine avec un mépris décidé, et il était si fermement résolu à ne plus rien avoir de commun avec elle, qu’il fut sur le point de lui renvoyer son doux présent ; mais un regard suppliant de Mignon l’obligea de l’accepter et de remercier au nom de l’enfant. Pour l’invitation, il la refusa absolument. Il pria le domestique de songer un peu aux voyageurs et demanda des nouvelles du baron. Il était au lit, mais le domestique croyait savoir qu’il avait déjà chargé un autre valet de pourvoir aux besoins de la troupe si mal hébergée.

Le laquais se retira, après avoir laissé à Wilhelm une de ses chandelles, qu’à défaut de chandelier, il dut coller sur le rebord de la fenêtre, si bien qu’au milieu de ses réflexions, il vit du moins éclairés les quatre murs de la chambre : car il se passa bien du temps encore avant que l’on fit les préparatifs nécessaires pour coucher nos hôtes. Peu à peu arrivèrent des chandeliers, mais sans mouchettes, puis quelques chaises ; une heure après, des couvertures, puis des coussins, le tout bien trempé ; et il était plus de minuit, lorsqu’on apporta enfin les paillasses et les matelas, que l’on se fût trouvé si heureux de recevoir d’abord.

Dans l’intervalle on avait aussi apporté de quoi manger et