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entrait avec une grande vivacité dans ses sentiments, qu’elle semblait même le prier avec instance et l’affermir dans son opinion.

Bientôt le comte se retourna, et dit aux comédiens :

«  Pour le moment, je ne puis m’arrêter, mais je vous enverrai un ami, et, si vous faites des conditions raisonnables, si vous montrez du zèle, je suis disposé à vous faire jouer au château. »

Ils témoignèrent tous une grande joie, et Philine baisa vivement les mains de la comtesse.

«  Adieu, petite, dit la dame, en caressant les joues de la jeune étourdie ; adieu, mon enfant : tu viendras bientôt chez moi. Je tiendrai ma promesse, mais il faut t’habiller mieux. »

Philine s’excusa sur ce qu’elle ne pouvait guère dépenser pour sa toilette, et la comtesse ordonna sur-le-champ à ses femmes de chambre de lui donner un chapeau anglais et un châle de soie, qu’il était facile de tirer des cartons. La comtesse fit elle-même la toilette de Philine, qui joua gentiment son rôle jusqu’au bout, avec un air de candeur et d’innocence.

Le comte présenta la main à sa femme, pour la ramener à sa voiture. Elle salua, en passant, toute la troupe avec bienveillance, et, se retournant encore une fois du côté de Wilhelm, elle lui dit, de l’air le plus gracieux :

«  Nous nous reverrons bientôt. »

Une si belle perspective ranima toute la société. Chacun donnait un libre cours à ses espérances, à ses vœux, à son imagination ; parlait des rôles qu’il voulait jouer, des succès qu’il obtiendrait. Mélina se mit à rêver aux moyens de donner vite quelques représentations, pour tirer un peu d’argent des habitants de la petite ville, et mettre en même temps la troupe en haleine. Sur l’entrefaite, quelques-uns coururent à la cuisine, pour commander un dîner meilleur qu’à l’ordinaire.