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ses mains dans les siennes ; elle appuya sa tête sur les genoux de son maître, sans faire aucun mouvement. Il jouait avec ses cheveux, d’une main caressante. Elle resta longtemps immobile. Enfin il aperçut chez elle une sorte de tressaillement, d’abord très-faible, et qui s’étendit par degrés à tous ses membres.

«  Que t’arrive-t-il, Mignon ? » s’écria Wilhelm.

Elle leva sa jolie tête, le regarda, et porta tout à coup la main sur son cœur, comme pour réprimer sa souffrance. Il la souleva ; elle tomba sur les genoux de Wilhelm. Il la serra dans ses bras et lui donna un baiser. Pas un serrement de sa main, pas un mouvement ne répondit. Elle se pressait toujours le cœur, et tout à coup elle poussa un cri, accompagné de mouvements convulsifs. Elle se leva en sursaut, et tomba soudain sur le plancher, comme si toutes ses articulations se fussent brisées. C’était un spectacle déchirant.

«  Mon enfant, s’écria-t-il, en la relevant et l’embrassant avec force, mon enfant, qu’as-tu donc ? »

Les spasmes continuaient, et, du cœur, ils se communiquaient aux membres affaissés. Elle n’était soutenue que par les bras de Wilhelm. Il la pressait sur son cœur et la baignait de larmes. Tout à coup elle parut se roidir encore, comme une personne qui souffre la plus violente douleur ; tous ses membres se ranimèrent avec une nouvelle violence, et, comme un ressort qui se détend, elle se jeta au cou de Wilhelm, en paraissant éprouver un déchirement profond, puis, au même instant, un torrent de larmes coula de ses yeux fermés sur le sein de son ami. Il la serrait fortement. Elle pleurait, et aucune parole ne saurait exprimer la violence de ces pleurs. Ses longs cheveux s’étaient dénoués et flottaient sur les épaules de l’enfant éplorée, et tout son être semblait s’écouler sans trêve en un déluge de larmes. Ses membres roidis reprirent leur souplesse ; son cœur s’épanchait ; et, dans le trouble du moment, Wilhelm craignit qu’elle ne fondît dans ses bras, et qu’il ne restât plus rien d’elle. Il la serrait toujours avec plus de force.

«  Mon enfant, s’écria-t-il, mon enfant ! Tu es à moi, si ce mot peut te consoler. Tu es à moi ! Je te garderai ; je ne t’abandonnerai pas. »