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bout du compte, quand il est de mauvaise humeur, c’est moi qui en porte la peine. Combien de fois n’ai-je pas dû m’entendre reprocher ces maudites marionnettes, que je vous donnai pour étrennes, il y a douze ans, et qui vous ont, les premières, inspiré le goût du spectacle !

— Ne maltraitez pas les marionnettes ! Ne vous repentez pas de votre tendresse et de votre sollicitude ! Je leur dois les premiers instants de bonheur dont j’aie joui dans cette nouvelle maison si vide. Ce moment est encore présent à ma pensée ; je me rappelle l’émotion singulière que j’éprouvai, lorsqu’après nous avoir donné les étrennes ordinaires, on nous fit asseoir devant une porte qui communiquait avec une autre chambre. La porte s’ouvrit, mais non pour livrer passage à nos jeux, comme à l’ordinaire : l’entrée était remplie par un appareil inattendu. Un portail s’élevait, couvert d’un mystérieux rideau. D’abord nous demeurâmes tous à distance, et, comme notre curiosité augmentait, de voir ce qui pouvait se cacher de brillant et de bruyant derrière la tenture à demi-transparente, on assigna à chacun sa petite place, et l’on nous ordonna d’attendre avec patience.

«  Tous les enfants étaient donc assis en silence : un coup de sifflet donne le signal ; le rideau se lève et une décoration, où le rouge domine, montre l’intérieur du temple de Jérusalem. Le grand prêtre Samuel parut avec Jonathas, et leurs voix singulières, qui se répondaient tour à tour, m’inspiraient un profond respect. Bientôt Saül entra en scène, fort embarrassé de l’impertinence du guerrier colossal qui l’avait défié lui et les siens. Aussi, quelle fut ma joie, quand le fils d’Isaï, à la taille de nain, avec sa boulette, sa panetière et sa fronde, survint en sautillant et dit : « Très-puissant seigneur et roi, que personne ne perde courage à cause de ce défi. Si Votre Majesté veut le permettre, j’irai et je combattrai le terrible géant. »

«  Le premier acte était fini, et les spectateurs très-curieux de voir ce qui allait arriver ; chacun désirait que la musique cessât bientôt. Enfin le rideau se relève : David voue la chair du monstre aux oiseaux du ciel et aux bêtes des champs ; le Philistin débite des bravades et frappe la terre des deux pieds ; enfin il tombe comme une souche, et donne à toute l’affaire un magnifique dénouement.