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Chapitre VI

Cependant Mélina avait pris des informations exactes sur ce qu’étaient devenus les débris de la direction précédente. Les décorations et la garde-robe étaient en gage chez quelques marchands, et un notaire avait reçu de la directrice la commission de les vendre à certaines conditions, s’il se trouvait des amateurs. Mélina voulut voir ce mobilier, et mena Wilhelm avec lui. Lorsqu’on leur ouvrit les chambres, notre ami éprouva un certain plaisir, qu’il ne s’avouait pas à lui-même. En si mauvais état que fussent les décorations barbouillées, et si chétive que fût l’apparence des costumes turcs et païens, de ces vieilles guenilles pour hommes et pour femmes, ces robes de magiciens, de juifs et de moines, il ne put s’empêcher d’être ému, à la pensée que c’était au milieu d’une pareille friperie qu’il avait passé les plus heureux moments de sa vie. Si Mélina avait pu lire dans son cœur, il l’aurait pressé plus vivement de lui avancer une somme d’argent, pour dégager, réparer ces membres épars, leur rendre une vie nouvelle et en recomposer un bel ensemble.

«  Quel homme heureux je pourrais être, s’écria Mélina, si j’avais seulement deux cents écus, pour commencer par faire l’acquisition de ce premier fonds de théâtre ! Que j’aurai vite monté un petit spectacle, qui suffirait assurément à nous faire vivre dans cette ville, dans ce pays ! »

Wilhelm garda le silence, et ils quittèrent tous deux, en rêvant, ces trésors, que l’on remit sous clef.

Depuis ce jour, Mélina ne parla plus que de projets et de propositions, sur les moyens d’établir un théâtre et d’y trouver son avantage. Il cherchait à intéresser Philine et Laërtes, et l’on