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«  Où étais-tu cachée ? lui demanda Wilhelm avec amitié : tu nous as donné beaucoup d’inquiétude. »

L’enfant ne répondit rien et le regarda.

«  Tu es à nous maintenant, s’écria Laërtes, nous t’avons achetée.

— Combien as-tu payé ? demanda-t-elle sèchement.

— Cent ducats. Si tu nous les rends, tu seras libre.

— C’est sans doute beaucoup d’argent ?

— Oh ! oui, tu n’as qu’à te bien conduire.

— Je vous servirai, » dit-elle.

Dès cet instant, elle observa soigneusement ce que le garçon avait à faire pour le service des deux amis, et, le lendemain, elle ne souffrit déjà plus qu’il entrât dans la chambre. Elle voulut tout faire elle-même, et fit le service en effet, lentement, il est vrai, et quelquefois maladroitement, mais avec beaucoup de soin et de ponctualité.

Elle prenait souvent un vase plein d’eau et se lavait le visage, avec tant de persévérance et de vivacité, qu’elle s’écorchait presque les joues ; enfin Laërtes, par ses questions et ses agaceries, reconnut qu’elle s’efforçait, par tous les moyens, d’enlever le fard de ses joues : et que, dans l’ardeur avec laquelle elle y travaillait, elle prenait pour le fard le plus tenace, la rougeur qu’elle avait produite par le frottement. On le lui fit comprendre ; elle cessa, et, après quelques moments de repos, on lui vit un beau teint brun, relevé d’un léger incarnat.

Séduit par les grâces frivoles de Philine et la mystérieuse présence de Mignon, plus qu’il n’osait se l’avouer à lui-même, Wilhelm passa quelques jours dans cette singulière société. Il se justifiait à ses propres yeux, en s’exerçant avec ardeur à l’escrime et à la danse, qu’il ne croyait pas retrouver aisément l’occasion de cultiver.

Il fut bien surpris et il sentit quelque joie, lorsqu’il vit un jour arriver M. et Mme Mélina, qui, après les premiers compliments, demandèrent des nouvelles de la directrice et des autres acteurs. Ils apprirent, avec une grande consternation, que la directrice était partie depuis longtemps, et que les acteurs s’étaient dispersés, à la réserve d’un petit nombre.

Après leur mariage, pour lequel Wilhelm avait, comme nous