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demoiselle m’a depuis avoué elle-même : c’est que sa chère tante manque de tout dans sa vieillesse ; qu’elle est sans fortune, sans esprit, sans autre ressource que la suite de ses aïeux, sans autre abri que le rang dans lequel elle se retranche, sans autre délassement que de regarder fièrement de sa fenêtre les bourgeois passer là-bas. Elle doit avoir été belle dans sa jeunesse, et a passé son temps à des bagatelles ; elle fit d’abord, par ses caprices, le tourment de quelques pauvres jeunes hommes, puis, dans un âge plus mûr, elle se plia sous l’obéissance d’un vieil officier, qui, à ce prix, et pour un modique entretien, passa l’Age d’airain avec elle et mourut. Maintenant elle se voit seule dans l’Age de fer, et personne ne la regarderait, si sa nièce était moins aimable.

8 janvier 1772.

Quels hommes que ceux dont l’âme est absorbée tout entière par le cérémonml ; dont la pensée et les efforts, durant des années, ne^ tendent qu’à chercher les moyens de se glisser à table un siège plus haut ! Ce n’est pas qu’ils manquent d’ailleurs d’occupations : bien au contraire, les travaux s’amassent, parce que ces petits démêlés entravent l’expédition des affaires importantes. La semaine dernière, il y eut des difficultés dans une partie de traîneaux, et cela gâta tout notre plaisir.

Les fous, qui ne voient pas que la place ne signifie rien, et que celui qui occupe la première joue rarement le premier rôle ! Combien de rois ne sont-ils pas gouvernés par leurs ministres ! combien de ministres, par leurs secrétaires ! Lequel est donc le premier ? Selon moi, c’est celui qui domine les autres, qui possède assez de force ou de. ruse pour faire servir leurs forces et leurs passions à l’accomplissement de ses desseins.

20 janvier.

Il faut que je vous écrive, mon aimable Charlotte, ici, dans la chambre d’une pauvre auberge de village, où je me suis réfugié