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Sa femme et ses amis accoururent ; Hinze, le chat, Brun, l’ours, et ses enfants, et sa séquelle, et ses parents, le placèrent, en gémissant, sur un brancard (on l’avait rembourré de foin pour tenir au chaud le malade) et l’emportèrent hors du champ clos. On examina les blessures : on en compta vingt-six. Il vint des chirurgiens en nombre, qui le pansèrent sur-le-champ et lui liront prendre des élixirs. Tous ses membres étaient paralysés. Ils lui frotteront aussi l’oreille avec des herbes ; il éternua violemment par devant et par derrière. Ils se disaient entre eux : « II faut le baigner et le frotter d’onguent. » Ils consolaient comme cela le triste entourage du loup. Ils le mirent au lit avec grand soin. Il dormit, mais peu de temps ; il s’éveilla troublé et s’affligea ; la honte, la douleur, le poursuivaient ; il faisait de grands gémissements et semblait désespéré. Giremoiule le veillait avec soin, le cœur dolent : elle songeait à sa grande perle. Agitée de peines diverses, elle pleurait sur elle, sur ses enfants et ses amis ; elle observait son mari souffrant. Il ne pouvait absolument se surmonter. La douleur le rendait furieux ; la douleur était grande et les suites déplorables.

Mais Ruineke était fort satisfait ; il causait gaiement avec ses amis, et s’entendait vanter et louer. Il partit de là avec une (ière assurance. Le gracieux roi le fit accompagner d’une escorte, et lui dit, avec bienveillance, en lui donnant congé :

« Revenez bientôt. »

Le renard se prosterna devant le trône et répondit :

« Je vous remercie de tout mon cœur, ainsi que ma gracieuse dame, et votre conseil, et les seigneurs. Que Dieu vous conserve, mon roi, pour vous combler de gloire ! Ce que vous ordonnerez, je le ferai avec joie. Je vous aime certainement, et je vous dois mon amour. Maintenant, si vous le permettez, je me dispose à me rendre chez moi, pour voir ma femme et mes enfants. Ils sont dans l’attente et le deuil.

— Allez, répondit le roi, et ne craignez plus rien. »

C’est ainsi que Reineke s’éloigna, après être parvenu à la plus haute faveur. 11 en est beaucoup de son espèce, qui savent employer les mêmes artifices. Ils ne portent pas tous barbe rousse, mais ils sont en bonne position.

Reineke partit fièrement de la cour avec sa famille, avec qua-