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vite écouté ma femme ; elle s’est laissé séduire ; elle m’a prié et supplié pour lui. Oh ! que n’ai-je été plus ferme ! A présent, le repentir est tardif et tout conseil inutile.

— Sire, reprit Lupardus, écoutez ma prière : ne vous affligez pas plus longtemps. Le mal qui s’est fait peut se réparer. Donnez à l’ours, au loup, à la louve, le bélier en dédommagement. Car Bcllin a confessé ouvertement et effrontément qu’il a conseillé la mort de Lampe. Il faut maintenant qu’il l’expie. Ensuite nous marcherons ensemble contre Reineke ; nous le prendrons, si nous pouvons, puis nous le pendrons bien vite. Si on lui donne la parole, il se sauvera par son bavardage et ne sera pas pendu. Non, je le sais parfaitement, ces gens se laisseront apaiser. »

Le roi entendit avec plaisir ces paroles, et dit à Lupardus :

« Votre avis me plaît. Allez donc sur-le-champ me quérir les deux barons. Je veux qu’ils reprennent avec honneur leur place à mes côtés dans le conseil. Convoquez tous les animaux qui se trouvaient à la cour : il faut qu’ils sachent tous comme Reineke a menti honteusement ; comme il s’est échappé, et comme ensuite, avec le secours de Bellin, il a tué Lampe. J’entends que chacun traite avec honneur l’ours et le loup, et, comme vous le conseillez, je donne à ces seigneurs, en expiation, le traître Bellin et ses parents à perpétuité. »

Lupardus fit diligence, jusqu’à ce qu’il eût trouvé les deux prisonniers, Brun et Ysengrin. Ils furent déliés, puis il leur dit :

« Apprenez de moi une bonne nouvelle. Je vous apporte de la part du roi paix assurée et sauf-conduit. Entendez-moi, seigneurs : si le roi vous a fait du mal, il en a du regret ; il vous le fait savoir, et il désire que vous soyez contents : en expiation, vous recevrez Bellin avec sa race, et même avec tous ses parents a perpétuité. Sans autres façons, vous pouvez les assaillir, que vous les trouviez dans les bois, que vous les trouviez dans les champs ; ils vous sont tous livrés. Mon gracieux seigneur vous permet en outre de faire toute sorte de maux à Reineke, qui vous a trahis. Vous pouvez le poursuivre, lui, sa femme, ses enfants et tous ses parents, od que vous les trouviez : nul ne s’y oppose. Cette précieuse liberté, je vous l’annonce au nom