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Il se présenta même devant Noble, le roi, et se mêla dans le palais parmi les seigneurs. 11 savait prendre un air tranquille.

« Auguste monarque, gracieux seigneur, dit-il d’abord, vous êtes noble et grand, le premier en honneur et en dignité ; c’est pourquoi je vous prie de m’entendre aujourd’hui loyalement. Votre Majesté n’a jamais trouvé de serviteur plus fidèle que moi, je puis l’affirmer hardiment. Je sais beaucoup de gens à la cour qui m’en veulent pour cela. Je perdrais votre amitié, si les mensonges de mes ennemis vous paraissaient croyables, comme . ils le désirent. Heureusement vous pesez ce que chacun vous débite ; vous écoutez l’accusé aussi bien que l’accusateur, et, s’ils ont beaucoup menti par derrière moi, je demeure tranquille dans cette pensée, que ma fidélité vous est assez connue, et que c’est elle qui m’attire la persécution.

— Taisez-vous, dit le roi ; le babil et la flatterie ne servent de rien. Votre crime est manifeste, et la peine vous attend. Avez-vous observé la paix que j’ai imposée aux animaux ? que vous avez jurée ? Voici le coq : menteur et méchant larron que vous êtes, vous lui avez ravi ses enfants l’un après l’autre ; et l’affection que vous avez pour moi, vous prétendez, je crois, la prouver en insultant à ma grandeur et offensant mes sujets. Le pauvre Hinze a perdu la santé ; combien de temps, avant que l’ours blessé soit guéri de ses maux ! Mais je fais trêve aux reproches, car vos accusateurs sont ici en foule ; beaucoup de faits sont prouvés : il vous serait difficile d’échapper.

— Gracieux seigneur, suis-je coupable pour cela ? répliqua Reineke. En puis-je mais, si Brun est revenu le crâne saignant ? Il s’est risqué, et il a voulu hardiment piller le miel de Rusteviel. Et, si les lourds paysans lui sont tombés sur le corps, certes il a les membres forts et vigoureux ; si ces gens le battaient et l’outrageaient, avant de se jeter à l’eau, il aurait dû, en robuste champion, tirer de l’outrage une juste vengeance ; et, si Hinze, le chat, que j’ai reçu honorablement et traité selon mon pouvoir, ne s’est pas abstenu de voler ; s’il s’est glissé, de Huit, dans la demeure du curé, malgré tous mes avis fidèles, et s’il y a souffert quelque mal, ai-je mérité d’être puni, parce qu’ils ont agi follement ? En vérité, ce serait un affront pour votre couronne royale. Cependant vous pouvez agir envers moi