marche jusqu’à Oberwald, et, de là, on compte six lieues jusqu’à Réalp. Notre mule nous suivra avec les effets aussi loin que nous pourrons la mener.
Réalp, 12 novembre 1779, le soir.
Nous sommes arrivés ici à la nuit tombante. L’obstacle est surmonté, et nous avons tranché le nœud qui embarrassait notre voyage. Avant que je vous dise où nous sommes gîtés, avant que je vous fasse connaître le caractère de nos hôtes, laissezmoi le plaisirde refaire par la pensée le chemin que nous voyions avec souci s’étendre devant nous, et que nous avons parcouru heureusement, mais non sans fatigue. Nous sommes partis de Munster vers les sept heures. Nous voyions devant nous, comme une barrière, l’amphithéâtre neigeux des hautes montagnes, et nous prenions pour la Furca celle qui s’élève en travers par derrière : mais c’était une erreur, comme nous l’avons appris plus tard. La Furca était cachée par des montagnes à notre gauche et par des nuages élevés. Le vent d’est soufflait avec force et luttait avec quelques nuages de neige ; il en chassait par intervalles de légers flocons sur la pente des monts et dans la vallée. Les tourbillons se démenaient sur le sol avec violence et nous faisaien quelquefois manquer la route : cependant nous étions enfermés de part et d’autre par les montagnes et nous devions trouver Oberwald au terme du chemin. Nous arrivâmes après neuf heures, et nous entrâmes dans une auberge, où les gens furent bien surpris de voir paraître de tels hôtes en cette saison. Nous demandâmes si le passage de la Furca était encore praticable. Ils répondirent que leurs gens le fréquentaient la plus grande partie de l’hiver, mais qu’ils ne savaient pas si nous pourrions ie franchir. Nous fîmes aussitôt appeler de ces guides. Nous vîmes paraître un homme de taille ramassée, robuste, dont la stature inspirait la confiance, et nous lui fîmes notre proposition. S’il jugeait le chemin praticable pour nous, il devait nous le dire, prendre encore un ou plusieurs camarades et venir avec nous. Après quelque réflexion, il consentit, et se retira pour se préparer et amener un second. En attendant, nous payâmes notre muletier, ne pouvant l’employer plus loin avec sa bête ; nous mangeâmes un morceau de pain et de