Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/524

Cette page n’a pas encore été corrigée


A l’Académie do Saint-Luc, où je fis aussi un pèlerinage, je vis le crâne de Raphaël, qu’on y garde comme une relique, depuis qu’on l’a tiré de son tombeau, ouvert à l’occasion d’une bâtisse1. Grâce au crédit de notre amiReiffenstein, nous en possédons en Allemagne un plâtre, dont la vue m’a souvent inspiré les réflexions les plus diverses.

Un délicieux tableau de ce maître représente la Mère de Dieu apparaissant à saint Luc, afin qu’il puisse la peindre fidèlement et naturellement dans toute sa majesté divine. Raphaël, jeune encore, est debout à quelque distance et observe l’évangéliste pendant son travail. On ne peut exprimer et avouer avec plus de grâce une vocation à laquelle on se sent entraîné d’une manière décisive. Pierre de Cortone, qui était possesseur de ce tableau, l’a légué à l’Académie. L’ouvrage est endommagé et restauré en plusieurs endroits, mais il est toujours d’une valeur considérable.

Pendant ces jours je fus éprouvé par une tentation particulière, qui faillit mettre obstacle à mon voyage et m’enchaîner de nouveau à Rome. M. Antonio Rega, artiste et marcharid d’objets d’art, était arrivé de Naples. Il vint chez l’ami Meyer, et lui annonça en confidence qu’il était venu sur un bâtiment amarré maintenant à Ripa-Grande. Il l’invitait à s’y transporter, parce qu’il y tenait en ses mains une remarquable statue antique, cette danseuse ou muse qu’on avait vue à Naples, depuis un temps immémorial, dans une niche de la cour du palais Caraffa Colombrano, et qu’on tenait pour un excellent ouvrage. Il désirait la vendre, mais en secret, et il voulait savoir si M. Meyer lui-même ou quelqu’un de ses amis particuliers ne serait pas disposé à faire cette emplette. Il offrait ce noble ouvrage pour le prix, extrêmement modéré, de trois cents sequins, prétention qui pourrait s’élever sans doute, si l’on n’avait pas sujet de procéder avec prudence, en considération des vendeurs et de l’acheteur.

L’affaire me fut aussitôt communiquée, et nous nous rendîmes tous trois au port, assez éloigné de notre demeure. Rega enleva une planche du couvercle encore posé sur la caisse,


1. Voyez page 486.