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pour la Savoie ; notre vieil ami W.1 a pris, avec nos montures, la route du pays de Vaud pour se rendre dans le Valais ; et nous, montés dans un cabriolet à quatre, roues, nous sommes allés d’abord visiter dans sa maison de campagne Huber*, cet homme à qui l’esprit, l’imagination, la passion d’imiter, sortent par tous les pores, et qui est du petit nombre des hommes complets que nous ayons .rencontrés. Il nous mit sur la route et nous poursuivîmes notre chemin, ayant devant les yeux les hautes montagnes blanches auxquelles nous voulions courir. Du lac de Genève, les premières chaînes de montagnes courent l’une à l’autre, jusqu’à l’endroit où Bonneville est située, entre le Môle, montagne remarquable, et la rivière de l’Arve. C’est là que nous dînâmes. Derrière la ville commence la vallée, mais assez large encore. L’Arve la parcourt doucement. Le’côté du midi est fort bien cultivé, et le sol parfaitement utilisé. Dès le matin, nous avions craint un peu de pluie, du moins pour la nuit ; mais les nuages se détachèrent peu à peu des montagnes et se pommelèrent, ce qui déjà souvent nous avait paru un bon signe. L’air était aussi chaud qu’au commencement de septembre, et la contrée fort belle ; beaucoup d’arbres étaient encore verts, la plupart jaune brun, bien peu lout à fait dépouillés, les blés d’un beau vert ;les montagnes, dans le pourpre du soir, étaient d’un rose violacé, et ces couleurs se jouaient sur les grandes lignes d’un paysage gracieux et beau. Nous avons dit en jasant beaucoup de bonnes choses. Vers cinq heures nous arrivâmes à Cluse, où la vallée se ferme et ne laisse qu’une seule issue, par où l’Arve arrive des Alpes et par où nous entrâmes le lendemain. Nous gravîmes une haute montagne et nous vîmes à nos pieds la ville, en partie appuyée contre un rocher qui nous faisait face, en partie construite dans la plaine du vallon que nos regards se plaisaient à parcourir. Assis sur des blocs de granit écroulés, nous attendîmes l’arrivée de la nuit, dans une conversation variée et tranquille. Vers sept heures, nous descendîmes ; il ne faisait pas encore plus frais qu’en été à neuf


1. De Wedel.

2. Jean Huber, né à Genève en 1724, mort en 1790. Peintre et naturaliste. Il apprit à peindre sans maître. Il étudia le vol des oiseaux, et s’occupa de la maniera de diriger le» ballons.