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sente un aspect charmant, l’impériale étant munie de petits candélabres de cristal qui éclairent la socràté, tandis que, dans une autre voiture, les dames, portant à la main des cierges de diverses couleurs, semblent vous inviter à contempler leurs charmes.

Les laquais fixent des bougies au bord de l’impériale des carrosses ; des voilures ouvertes se montrent avec des lanternes de papier bigarré ; quelques promeneurs portent sur la tête de hautes pyramides de bougies ; d’autres ont fixé leurs cierges sur des roseaux liés ensemble et qui atteignent la hauteur de deux ou trois étages.

C’est un devoir pour chacun de porter à la main un petit cierge allumé, et l’imprécation favorite des Romains sia ammaszato ! retentit de toutes parts. Sia ammazzato chi non parla muccolo ! « mort à celui qui ne porte pas une chandelle.’ » se crie-t-on les uns aux autres, en cherchant à souffler les lumières. L’action d’allumer et d’éteindre, et l’exclamation sia ammazzato ! répandent bientôt la vie et le mouvement et un plaisir mutuel dans cette foule immense. Qu’on ait devant soi des personnes connues ou inconnues, on cherche uniquement à souffler la lumière la plus proche ou à rallumer la sienne, en saisissant cette occasion pour éteindre celle qui allume la nôtre. Plus ce cri furieux sia ammazzato ! résonne de tous côtés, plus il perd de son affreuse signification, et plus on oublie qu’on est à Rome, où, pour une bagatelle, cette imprécation peut être accomplie en un moment sur tel ou tel.

Cette signification finit par se perdre entièrement, et de même qu’en d’autres langues on emploie souvent des imprécations et des mots indécents pour exprimer l’admiration et la joie, sia ammazzato devient ce soir-là le mot de ralliement, le cri de joie, le refrain de toutes les plaisanteries, les moqueries et les compliments. Nous entendons crier avec raillerie : Siaammazzato il signor abbate chc fa l’amorc ! ou apostropher un ami qui passe, sia ammazzato il signor Filippo ! Il s’y joint par fois une flatterie, un compliment : Sia ammazzata la bella principessa ! Sia ’ ammazzata la signora Angclica, la prima pillrice del secolo !

Toutes ces exclamations sont débitées d’un ton véhément et rapide, en appuyant sur la pénultième ou sur l’antépénultième