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val et la garde à pied l’injurient et le menacent. Vainement le malheureux cocher fait-il voir l’impossibilité manifeste ; les insultes et les menaces continuent, et il faut qu’il rentre dans la ligne, ou, s’il est près d’une ruelle latérale, il est forcé, sans qu’il y ait de sa faute, à sortir de la file. D’ordinaire les rues latérales sont aussi garnies de voitures arrêtées, qui sont arrives trop tard et qui n’ont pu pénétrer, parce que la circulation des voitures était déjà interrompue.

Le moment de la course des chevaux approche toujours davantage, et tous ces milliers de spectateurs attendent ce moment avec la plus vive impatience. Les loueurs de chaises, les entrepreneurs des échafaudages, redoublent leurs cris et leurs offres :

Luoghi ! Luoghi avanti ! Luoghi, nobili ! Luoghi, padroni !

Leur affaire est que, du moins dans ces derniers moments, toutes les places soient occupées, fût-ce à vil prix. Et heureusement on peut encore trouver ça et là une place, car le général va descendre le Corso à cheval, avec une partie de la garde, entre les deux rangées de voitures, et il repousse les piétons du seul espace qui leur reste. Chacun cherche alors une chaise, une place sur les gradins, sur une voiture, entre les équipages ou chez des connaissances, à une de ces fenêtres qui foules regorgent maintenant de spectateurs.

Cependant la place devant l’obélisque est toute nettoyée de peuple, et offre peut-être un des plus beaux spectacles qu’on puisse voir de nos jours. Les trois faces tapissées des échafaudages décrits plus haut enferment la place. Mille et mille têtes regardent les unes par-dessus les autres, et présentent l’aspect d’un cirque ou d’un amphithéâtre antique. Au-dessus de l’échafaudage central, l’obélisque s’élève de toute sa hauteur, car les gradins ne couvrent que le piédestal, et c’est alors qu’on remarque combien cette hauteur est immense, parce qu’il sert d’échelle de comparaison à une si grande masse d’hommes. L’œil se repose avec plaisir sur la place libre, et l’on observe avec une vive attente les barrières vides et la corde tendue devant. C’est alors que le général descend le Corso, en signe qu’il est évacué et, derrière lui, la garde ne souffre pas que personne dépasse la ligne des voitures. Le général prend place dans une des loges.