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une monstrueuse caricature ; et, tout comme nos belles dames pouvaient entendre leur éloge, il doit souffrir qu’on vienne lui crier sous le nez : O fratello mio, che brutta pulana sel !

D’ordinaire, le cocher rend le service à une ou deux de ses amies de les prendre sur le siège, quand il les rencontre dans la presse. Assises à son côté, et, le plus souvent, habillées en hommes, elles brandillent sur la tôle des passants leurs jolies petites jambes de polichinelle aux pieds mignons et leurs chaussures à hauts talons. Les laquais en font autant, et ils prennent leurs amis et leurs amies derrière la voiture. Il n’y manque plus que de les voir se jucher sur l’impériale, comme dans les messageries anglaises. Les maîtres eux-mêmes semblent voir avec plaisir leur voiture bien remplie. Dans ces jours, tout est permis, tout passe.

Qu’on jette maintenant un regard sur l’étroite et longue rue, où, de tous les balcons et de toutes les fenêtres, par-dessus les tapisseries bariolées, pendantes à longs plis, des spectateurs pressés regardent en bas les échafaudages remplis de spectateurs et les longues files de sièges occupés aux deux côtés de la rue : deux files de voitures se meuvent lentement dans l’intervalle, et la place que pourrait prendre à la rigueur une troisième voiture, est toute remplie de gens qu’on voit non pas aller et venir, mais se pousser dans un sens et dans l’autre. Comme les voitures, aussi longtemps que la chose est possible, gardent toujours entre elles quelque distance, pour ne pas se jeter les unes sur les autres à chaque halte, beaucoup de piétons, pour respirer un peu plus à l’aise, quittent la presse du milieu et se hasardent entre les roues de la voiture qui précède, le timon et les chevaux de celle qui suit ; et plus le péril et la gêne des piétons augmentent, plus s’accroissent leur caprice et leur audace.

Comme la plupart des piétons qui circulent entre les deux files de voitures évitent soigneusement les roues et les essieux, pour ménager leurs membres et leurs habits, ils laissent d’ordinaire entre eux et les équipages plus de place qu’il n’est nécessaire : celui qui ne peut se résoudre plus longtemps à cheminer avec la masse lente, et qui a le courage de se glisser entre les roues et les piétons, entre le péril et ceux qui le craignent,