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plomatiques, et moi, qui souffrais au fond du cœur d’un tout autre mal que celui que peuvent nous causer des champignons, je fis une réponse modeste : j’avais supposé que le cuisinier dirait la chose à son maître, et j’assurai que si, dans mes promenades, de pareils comestibles me tombaient encore sous la main, je les présenterais à notre digne hôte pour les examiner et les approuver.

Il me fut aisé de persister dans la résolution que j’avais prise. Je cherchai d’abord à éviter les leçons d’anglais, en m’éloignant le matin, et en prenant soin de ne m’approcher jamais de mon écolière, secrètement aimée, qu’en présence de plusieurs personnes. Bientôt, occupé comme je l’étais, je revins à dos sentiments raisonnables, et ce fut d’une manière charmante. Quand je considérai la belle Milanaise comme une fiancée, comme une future épouse, elle s’éleva à mes yeux audessus de la condition vulgaire de jeune fille, et, en lui témoignant la même affection, mais avec un caractère plus élevé et désintéressé, je me trouvai, moi qui d’ailleurs n’avais plus l’air d’un jeune évaporé, dans la familiarité la plus amicale avec elle. Mes services, si l’on peut donner ce nom à des attentions sans suite, se montraient sans importunité et en passant, avec une sorte de respect. Elle, de son côté, qui savait que je connaissais sa position, put être parfaitement contente de ma conduite. Comme je m’entretenais avec chacun, le reste de la société ne remarqua rien ou ne vit aucun mal à la chose, et les jours et les heures suivirent de la sorte un paisible cours.

Il y aurait beaucoup à dire sur nos conversations, qui étaient des plus variées. Nous eûmes aussi un théâtre, où Polichinelle, que nous avions tant de fois applaudi dans le carnaval, et qui, le reste de l’année, faisait son métier de cordonnier, qui d’ailleurs se présentait ici comme un honnête petit bourgeois, savait nous divertir au mieux avec ses absurdités laconiques, mimiques et pantomimiques, et nous entretenir dans le plus agréable désœuvrement.

Cependant des lettres de chez nous m’avaient fait observer que mon voyage en Italie, si longtemps projeté, toujours différé, et enfin entrepris si brusquement, avait provoqué chez les amis que j’avais laissés quelque inquiétude et quelque impa-