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sculptés avec la dernière élégance, jadis hors de la portée de l’œil humain et accessibles seulement aux rayons du soleil. C’est que l’art religieux ne calcule pas l’effet qu’il produit sur le regard de l’homme. Nous nous disposâmes à prendre l’empreinte de ces images sacrées, afin de voir commodément devant nos yeux ce qui était tourné jadis vers la région des nuages.

Dans le lieu repoussant où nous nous trouvions avec le plus vénérable ouvrage, nous ne pûmes nous empêcher de considérer Rome comme un quodlibet, mais unique en son genre ; car, dans ce sens même, ce lieu imposant a les plus grands avantages. Le hasard n’y a rien produit ; il n’a fait que détruire. Toute ruine est vénérable ; si elle est informe, elle atteste une antique régularité, qui s’est reproduite dans les grandes formes modernes des églises et des palais.

Les quatre premiers volumes de mes ouvrages, édités chez Gœschen, arrivèrent, et je portai d’abord l’exemplaire de luxe chez Angélique, qui crut y trouver un sujet de vanter sur nouveaux frais sa langue maternelle.

Le 2l septembre, on célébra la mémoire de saint François, et son sang fut promené par la ville dans une longue procession de moines et de fidèles. J’observai attentivement, à leur passage, tous ces moines, dont le costume simple concentrait mon regard et mon attention sur les têtes. Je fus frappé de voir qu’il faut tenir compte des cheveux et de la barbe, si l’on veut se faire une idée de l’individu du sexe mâle. Je passai en revue, d’abord avec attention, puis avec étonnement, la troupe qui défilait devant moi, et j’étais vraiment charmé de voir qu’un visage encadré par les cheveux et la barbe se présentait tout autrement que la foule sans barbe, et je pus reconnaître que de pareils visages, représentés dans les tableaux, doivent exercer sur le spectateur un charme inexprimable.

Le conseiller Reiffenstein, qui avait étudié à fond son emploi de guide et d’amuseur des étrangers, put bientôt s’apercevoir, dans l’exercice de ses fonctions, que les personnes qui n’apportent guère à Rome que le désir de voir et de se distraire éprouvent parfois le plus cruel ennui, parce que les moyens ordinaires de remplir les heures oisives leur manquent absolu-