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Je continue à dessiner pour exercer mon goût et ma main. J’ai commencé à m’occuper plus sérieusement d’architecture ; tout me devient d’une facilité étonnante ; je parle de la conception, car l’exécution demande une vie tout entière.

Ce qu’il y a eu de plus heureux, c’est que je n’avais aucune vanité et aucune prétention, je n’avais rien à demander, quand je vins ici. Et maintenant, je n’aspire qu’à une seule chose, c’est à ne me payer jamais de mots et d’apparences. Ce qu’on tient pour beau, admirable et grand, je veux le voir et le reconnaître de mes propres yeux. Cela est impossible sans imitation. Je vais me mettre à dessiner d’après la bosse. La bonne méthode m’est indiquée par des artistes.

Je me recueille le plus possible. Au commencement de la semaine, je n’ai pu refuser de dîner ici et là. Maintenant on veut m’avoir de côté et d’autre : je laisse passer la chose, et je demeure dans ma retraite. Moritz, quelques compatriotes qui habitent la maison, un Suisse, homme de mérite, voilà ma société habituelle. Je vais aussi chez Angélique et le conseiller Reiffestein ; partout avec mon air réfléchi, sans m’ouvrir à personne. Lucchesini est revenu ; il voit tout le monde et on le voit comme tout le monde. C’est un homme qui fait bien son métier, ou je me trompe fort. Je t’écrirai prochainement sur quelques personnes dont j’espère faire bientôt la connaissance.

Je travaille hEgmont, et j’espère qu’il réussira. Du moins, j’ai eu toujours, en poursuivant ce travail, des symptômes qui ne m’ont pas trompé. Il est singulier que j’aie été si souvent empêché de terminer cet ouvrage et que ce soit à Rome qu’il s’achève. J’ai mis la dernière main au premier acte. Il y a dans la pièce des scènes entières auxquelles je n’ai pas besoin de . toucher.

J’ai tant d’occasions de réfléchir sur les arts de toute sorte, que mon Wilhelm Mcùlcr s’enfle notablement. Mais il faut que je me débarrasse d’abord des vieilles choses ; je me fais vieux, et, si je veux produire encore quelques ouvrages, il ne faut pas que je tarde. Comme tu peux l’imaginer aisément, j’ai cent choses nouvelles dans la tête, et le difficile n’est pas de penser, le difficile est de faire. C’est un étrange embarras que d’assigner aux