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j’apprends à distinguer ce qui m’est propre et ce qui m’est étranger. Je travaille assidûment, je recueille de tous côtés, et mon développement s’avance. J’ai été ces jours derniers à Tivoli, et j’ai vu un des plus beaux spectacles de la nature. Les Gascatelles, avec les ruines et tout l’ensemble du paysage, sont de ces choses dont la connaissance féconde nos plus intimes sentiments. J’ai négligé d’écrire par le dernier courrier. Je m’étais beaucoup fatigué à Tivoli, à me promener et à dessiner par une chaleur ardente. J’ai fait cette excursion avec M. Hackert, qui possède un incroyable talent pour copier la nature et pour donner d’abord au dessin une tournure. Dans ce peu de jours, j’ai beaucoup appris de lui. Je n’en dirai pas davantage. C’est là encore une merveille de ce monde. La contrée, accidentée au plus haut point, présente des effets magnifiques.

Encore une observation. C’est à présent seulement que les arbres, les rochers et Rome elle-même commencent à me devenir chers. Jusqu’à ce jour, je les ai toujours sentis comme étrangers ; en revanche, je prenais plaisir aux petits objets, qui avaient de la ressemblance avec ceux que j’ai vus dans mon premier âge. Maintenant il faut enfin que je m’acclimate ici, et pourtant je ne pourrai jamais être aussi familier qu’avec les premiers objets qui ont frappé ma vue. A cette occasion, il m’est venu diverses pensées, principalement sur l’art et l’imitation.

Pendant mon absence, Tischbein avait découvert dans le couvent voisin de la porte du Peuple un tableau par Daniel de Volterre. Les religieux en demandaient mille écus, que l’artiste ne pouvait fournir. Il en fit parler par Meyer à Angélique. Elle consentit à payer la somme, retira le tableau chez elle, et plus tard Tischbein vendit pour un prix considérable la moitié qu’il s’était réservée. C’est un excellent tableau, qui représente la sépulture du Christ. Il y a beaucoup de figures. Meyer en a fait un dessin très-soigné.

Rome, 20 juin 1787.

J’ai vu de nouveau beaucoup d’œuvres d’art excellentes ; mon jugement s’épure et s’affermit ; mais il me faudrait passer ici encore une année au moins pour profiter de mon séjour à ma manière, et vous savez qu’autrement je ne puis rien. Si je pars