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forment une masse qu’on n’aurait pas imaginée. Et ce n’est pas assez que tout cela soit dévoré : chaque année un officier de police parcourt la ville à cheval, accompagné d’un trompette, et annonce dans toutes les places et les carrefours combien de milliers de bœufs, de veaux, d’agneaux, de porcs, les Napolitains ont consommés. Le peuple prête une oreille attentive, et se réjouit immodérément de ces grands nombres ; chacun se rappelle avec satisfaction la part qu’il a prise à ces réjouissances.

Quant à ces mets que nos cuisinières savent préparer sous tant de formes avec le lait et la farine, ils sont remplacés de deux manières chez ce peuple, qui n’aime pas dans ces choses les longs apprêts et qui n’a point de cuisine bien établie. Les macaronis de toute sorte, pâte de fine farine, délicate, fort travaillée, cuite et réduite en certaines formes, se trouvent partout à vil prix. On se contente le plus souvent de ’les cuire à l’eau, et le fromage râpé sert à la fois de graisse et d’assaisonnement. Au coin des grandes rues stationnent, avec leurs poêles, pleines d’huile bouillante, des fricasseurs, occupés, surtout les jours de fête, à cuire sur-le-champ pour chacun, selon son désir, des poissons ou des beignets. Ces gens ont un débit incroyable, et des milliers de chalands emportent de là leur repas de midi et du soir sur une petite feuille de papier.

Naples, 30 mai 1787.

Cette nuit, en me promenant par la ville, je suis arrivé au Môle. Là j’ai vu d’un coup d’œil la lune, sa clarté sur les franges des nuages, son reflet, doucement agité dans la mer, plus brillant et plus vif sur la cime des vagues les plus proches, puis les étoiles du ciel, les lampes du fanal, le feu du Vésuve, son reflet dans la mer et beaucoup de lumières isolées, éparses sur les vaisseaux. J’aurais voulu voir un thème si varié exécuté par van der Neer.

Naples, 31 mai 1787.

J’avais tellement fixé ma pensée sur la Fête-Dieu à Rome, et principalement sur les tapisseries d’après Raphaël, que, sans me laisser séduire par tous ces magnifiques tableaux de la nature, bien qu’ils ne puissent avoir leurs pareils dans le monde,