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choses sur sa bonne humeur. Dès sa première jeunesse, il sentit la plus ardente ferveur, et dans le cours de sa vie se développèrent en lui les dons les plus sublimes de l’enthousiasme religieux : le don de la prière involontaire, de l’adoration muette, profonde, le don des larmes, de l’extase, et même enfin le don de s’élever et de planer au-dessus du sol, ce qui est envisagé comme la grâce suprême.

A tant de facultés mystérieuses, étranges, se joignait le bon sens le plus net, l’estimation ou plutôt la mésestime la plus franche des choses terrestres, la charité la plus active, vouée aux souffrances corporelles et spirituelles de ses semblables. Il observait rigoureusement tous les devoirs imposés à un ecclésiastique pour ce qui regarde les fêtes, la fréquentation des églises, la prière et le jeûne. Il s’occupait aussi de l’éducation de la jeunesse, la formait à la musique et à l’éloquence, lui proposant des sujets religieux et même aussi ingénieux, et provoquant des conversations et des disputes propres à exciter l’esprit. Ce qu’il y a peut-être de plus singulier, c’est qu’il faisait tout cela de son propre mouvement, qu’il poursuivit constamment son chemin pendant nombre d’années, sans appartenir à aucun ordre, à aucune congrégation, même sans avoir été ordonné prêtre. Mais il doit sembler encore plus étrange que cela se passât au temps même de Luther, et qu’au milieu de Rome, un homme actif, habile, pieux, énergique, eût également la pensée d’unir l’ecclésiastique et même le sacré avec le séculier, d’introduire les choses divines dans le siècle, et par là de préparer aussi une réformation. Car c’est là seulement que se trouve la clef qui doit ouvrir les prisons du papisme et rendre au monde libre son Dieu.

Cependant la cour de Rome, qui avait dans son voisinage, dans l’enceinte de la ville, sous sa surveillance, un homme si remarquable, ne se donna point de relâche jusqu’à ce que cet homme, qui menait d’ailleurs la vie d’un religieux, qui déjà résidait dans le couvent, où il enseignait, où il exhortait, qui même était sur le point de fonder, sinon un ordre, du moins une association libre, se fût laissé persuader de prendre les ordres et de s’assurer en même temps tous les avantages qui lui avaient manqué jusqu’alors dans sa carrière.