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lui donne quelque valeur, tandis qu’à vrai dire, c’est un rien qui veut être compté pour quelque chose. Je dois ajouter d’abord une autre réflexion générale, c’est que ni l’œuvre du plus mauvais goût, ni la plus excellente, ne proviennent immédiatement d’un seul homme, d’une seule époque, et qu’avec quelque attention on peut assigner à l’une et à l’autre une généalogie. La fameuse fontaine de Palerme doit être rangée parmi les ancêtres de la démence pallagonienne. Seulement la fontaine est ici sur son propre terrain, et se produit dans la plus grande liberté. Je veux chercher à développer cette filiation.

Si, dans ces contrées, un château de plaisance est situé plus ou moins au milieu du domaine et que, pour arriver à la demeure seigneuriale, il faille passer à travers des terres labourées, des jardins potagers et d’autres établissements utiles d’exploitation rurale, en cela, les méridionaux se montrent meilleurs ménagers que les gens du Nord, qui sacrifient souvent à l’établissement d’un parc une grande étendue de sol fertile, pour flatter la vue avec de stériles buissons. Dans le Midi, au contraire, on élève deux murs, entre lesquels on arrive au château sans apercevoir ce qui se trouve à droite et à gauche. Cette avenue commence d’ordinaire par un grand portail ou même par un passage voûté, et finit dans la cour du château. Or, afin que l’œil trouve entre les murs de quoi se satisfaire, ils sont courbés en dehors, ornés de volutes et de piédestaux, sur lesquels çà et là peut se dresser un vase ; les faces sont ravalées, divisées en compartiments et peinturées. La cour du château forme un rond de maisons d’un étage, où demeurent les valets et les ouvriers ; le château élève sur le tout son imposante masse carrée. Telle est la disposition traditionnelle, comme elle a existé probablement jusqu’au temps où le père du prince bâtit le château dans un goût qui, s’il n’était pas des meilleurs, était du moins supportable. Mais le possesseur actuel, sans renoncer à ces traits généraux, permet la plus libre carrière à son goût et à sa passion pour les formes laides, monstrueuses, et on lui fait beaucoup trop d’honneur en lui accordant seulement une étincelle d’imagination.

Nous entrons donc dans la grande salle, qui commence à la limite du domaine, et nous trouvons un octogone très-haut pour