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grande joie, nous apercevions les montagnes de Sicile. Le vent est devenu plus favorable ; nous avons vogué plus vite vers notre but. Nous avons aperçu encore quelques îles. Le coucher du soleil a été nébuleux, et la lumière du ciel enveloppée de brouillards. Pendant toute la soirée, un vent assez favorable. Vers minuit la mer était très-agitée.

En mer, dimanche 1 avril 1787.

Vers trois heures du matin, violente tempête. J’ai poursuivi dans le sommeil et la rêverie mes plans dramatiques, tandis qu’il se faisait un grand mouvement sur le pont. Il a fallu serrer les voiles ; le roulis était très-fort. Au point du jour, la tempête s’est calmée et l’atmosphère s’est éclaircie. Nous avions alors Ustique tout à fait à notre gauche. On nous a montré une grande tortue qui nageait dans l’éloignement, et qu’à l’aide de nos lunettes d’approche nous avons bien distinguée comme un point vivant. Vers midi nous avons pu reconnaître distinctement les côtes de Sicile avec leurs promontoires ; mais nous étions jetés fort au-dessous du vent ; nous avons couru des bordées ; vers midi nous étions plus près du rivage. La côte occidentale, depuis le cap Lilibée jusqu’au cap Gallo, était parfaitement en vue par un temps serein et un soleil éclatant. Une troupe de dauphins escortait le vaisseau des deux côtés de la proue et s’élançait toujours en avant. C’était amusant de les voir tantôt nager, couverts par les flots lumineux et transparents, tantôt bondir au-dessus de l’eau avec leurs piquants, leurs nageoires et leurs flancs qui jouaient le vert et l’or.

Comme nous étions de beaucoup au-dessous du vent, le capitaine a mis le cap sur une anse, derrière le promontoire Gallo. Kniep n’a pas négligé cette belle occasion de dessiner avec assez de détail les aspects les plus divers. Au coucher du soleil, le capitaine a gouverné de nouveau vers la haute mer, dans la direction du nord-est, pour atteindre la hauteur de Palerme. Je me suis hasardé quelquefois sur le pont, mais toujours occupé de mon travail poétique, et je me suis rendu assez bien maître de toute la pièce. Brillant clair de lune avec un ciel nébuleux, reflet sur la mer d’une extrême beauté.

Les peintres, pour produire de l’effet, nous font souvent croire