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la plus libre, on attende et même on demande quelque contrainte !

Si à Rome on étudie volontiers, ici on ne veut que vivre ; on oublie et le monde et soi-rtême, et c’est pour moi une singulière sensation de ne vivre qu’avec des hommes occupés à jouir. Le chevalier Hamilton, qui est toujours ici ambassadeur d’Angleterre, après s’être occupé si longtemps des arts en amateur, après avoir étudié si longtemps la nature, a trouvé le comble des plaisirs de la nature et de l’art dans une belle jeune fille. Il l’a recueillie chez lui. C’est une Anglaise de vingt ans. Elle est très-belle et bien faite. Il lui a fait faire un costume grec qui lui sied à merveille. Elle laisse flotter ses cheveux, prend deux châles, et varie tellement ses atlitudes, ses gestes, son expression, qu’à la fin on croit rêver tout de bon. Ce que mille artistes seraient heureux de produire, on le voit ici accompli, en mouvement, avec une diversité surprenante. A genoux, debout, assise, couchée, sérieuse, triste, lutine, exaltée, pénitente, attrayante, menaçante, inquiète : une expression succède à l’autre et en découle. Elle sait ajuster à chaque expression les plis du voile, les changer, et se faire cent coiffures diverses avec les mêmes tissus. Cependant le vieux chevalier lui tient la chandelle, et il s’est donné à cet objet de toute son aine. Il trouve en elle tous les antiques, tous les beaux profils des monnaies siciliennes, et jusqu’à l’A pollon du Belvédère. Pour tout dire, cet amusement est unique. Nous l’avons eu déjà deux soirs. Ce matin, Tischbein fait le portrait de la belle Anglaise.

Ce que j’ai appris et démêlé sur la cour et ce qui s’y passe, il faut d’abord que je m’en assure et m’en rende compte. Aujourd’hui le roi est à la chasse du loup. On espère en tuer cinq pour le moins.

Naples, 17 mars 1787.

Quand ma plume veut tracer des mots,, toujours paraissent devant mes yeux les images du pays fertile, de la mer ouverte, des îles vaporeuses, de la montagne fumante, et les organes me manquent pour exprimer tout cela. C’est ici que l’on comprend enfin comment l’homme a pu concevoir l’idée de cultiver la terre, ici, où les champs produisent tout, et où l’on peut espérer de trois à cinq récoltes par an. On prétend que, dans les