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VOYAGE EN ITALIE.

plaisir dont lui seul sait jouir complètement. Un cheval blanc s’était échappé sur le terrain desséché, et, profitant de sa liberté, courait ça et là comme un rayon de lumière sur la terre brune : c’était réellement un beau spectacle, que l’enchantement de Tischbein rendait tout à fait intéressant.

Sur l’emplacement de l’antique Méza, le pape a fait construire un grand et bel édifice qui marque le centre de la plaine. L’aspect de ce bâtiment augmente l’espoir et la confiance pour toute l’entreprise. Nous avancions toujours, livrés à une conversation animée, n’oubliant pas qu’on nous avait recommandé de ne pas nous endormir dans ce trajet ; et, véritablement, la vapeur bleuâtre qui, dès cette saison, flotte sur le sol à une certaine hauteur, était pour nous l’indice d’une couche d’air dangereuse. La vue de Terracine sur son rocher nous en fut d’autant plus agréable. À peine avions-nous admiré ce tableau, que nous aperçûmes la mer devant les murs. Bientôt après l’autre côté de la montagne-ville nous offrit le spectacle d’une végétation nouvelle. Les figuiers des Indes poussaient leurs grandes feuilles épaisses entre les humbles myrtes au feuillage grisâtre, sous les grenadiers vert-doré et les oliviers à la verdure cendrée. Le long du chemin nous voyions des fleurs et des buissons que nos yeux n’avaient jamais vus. Les narcisses et les anémones tapissaient les prairies. La mer se laisse voir quelque temps à droite, mais les rochers calcaires restent à gauche dans le voisinage. C’est la prolongation des Apennins, qui, partant de Tivoli, s’approchent de la mer, dont ils sont séparés d’abord par la Campagne de Rome, puis par les volcans de Frascati, d’Albano, de Velletri, et enfin par les marais pontins. Le mont Circello, vis-à-vis du promontoire de Terracine, où finissent les marais pontins, doit se composer pareillement d’une suite de rochers calcaires.

Nous quittâmes la mer et nous arrivâmes bientôt dans la ravissante plaine de Fondi. Ce petit espace de terre fertile et cultivée, enfermé par des montagnes pas trop sauvages, doit sourire à tous les voyageurs. La plupart des oranges sont encore pendues aux arbres, les blés sont verts ; partout, dans les champs, le froment et les oliviers, la petite ville dans le fond. Un palmier se montre et nous le saluons. En voilà bien assez