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d’abord ma dévotion matinale. Mais, avec toute sa grandeur et sa majesté, ce buste a donné lieu à une scène fort gaie.

Quand notre vieille hôtesse entre pour faire mon lit, elle est ordinairement suivie de son chat favori. J’étais dans le salon, et j’entendais la femme faire son ouvrage dans ma chambre. Tout à coup, empressée, émue, contre sa coutume, elle ouvre la porte et me crie d’accourir pour voir un miracle. Je lui demande ce que c’est : elle me répond que le chat adore Dieu le Père. Elle avait bien remarqué depuis longtemps que cette bête avait de l’esprit comme un chrétien, mais ceci était pourtant un grand miracle. Je courus, pour le voir de mes yeux, et je vis en eilét une chose assez singulière. Le buste est posé sur un socle élevé, et le corps est coupé bien au-dessous de la poitrine, en sorte que la tète est assez haute. Or, le chat avait sauté sur la table, il avait posé ses pieds de devant sur la poitrine du Ûieu, et, en étendant ses membres de tout son pouvoir, il atteignait, avec son museau, juste à la barbe sainte, qu’il léchait le plus joliment du monde, sans se laisser troubler en aucune façon par l’exclamation de l’hôtesse et par ma présence. Je laissai à la bonne femme son admiration, et je m’expliquai la cause de cette dévotion singulière : l’animal, doué d’un odorat très-fin, pouvait bien avoir senti la graisse qui était tombée du moule dans les enfoncements de la barbe et qui s’y trouvait encore.

Rome, Z9 décembre 1780.

J’ai beaucoup de choses à dire encore à la louange de Tischbein, et comme il s’est formé par lui-même, avec une originalité tout allemande ; je dois dire ensuite avec reconnaissance qu’il s’est occupé de moi de la manière la plus amicale durant son second séjour à Rome, en faisant exécuter pour moi une suite de copies des meilleurs maîtres, quelques-unes au crayon noir, d’autres à la sépia et à l’aquarelle, qui prendront de la valeur en Allemagne, où l’on est éloigné des originaux, et qui me rappelleront les plus belles choses. Dans sa carrière d’artiste, comme il s’était voué d’abord au portrait, Tischbein entra en rapport avec des hommes marquants, particulièrement à Zurich, et il leur dut un goût plus solide avec des idées plgs étendues.