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ce qui lui restait d’une maladie de ce temps-là, et, dès le premier moment où nous nous sommes rencontrés sur le seuil de la porte, elle m’a montré une cordialité parfaite. Elle n’a pas fait la moindre tentative pour éveiller dans mon cœur une ancienne flamme. Elle m’a conduit sous chaque berceau ; elle m’a fait asseoir auprès d’elle : voilà tout. Le clair de lune était magnifique. Nous avons parlé de nos anciens amusements. J’ai retrouvé les chansons que j’avais composées, la voiture que j’avais peinte. Mon souvenir était là aussi vivant que si mon absence n’avait duré que six mois. Les parents m’ont fail le meilleur accueil. J’ai passé la nuit chez eux, et, au départ, le lendemain, je n’ai vu que des visages gracieux. Je puis donc penser désormais avec satisfaction à ce coin de terre, et vivre en paix avec les images de ces amis réconciliés. »

A Strasbourg, Goethe retrouva Lili mariée et mère d’un enfant de sept semaines. Le mari était absent. Lili avait sa mère auprès d’elle. « Je fus ravi, dit-il, de la voir bien établie. Son mari est, à ce qu’on m’assure, honnêle et sage ; il est riche, d’une famille honorable ; il possède une belle maison ; enfin elle a tout ce qu’il lui fallait. »

Quelle différence entre ces deux relations, et l’on peut dire aussi entre ces deux femmes ! La noble et fidèle Frédérique ne connut jamais d’autre amour. Après ie départ de Goethe, elle fut aimée et recherchée par Lenz et par d’autres encore : elle refusa toutes les propositions. » Le cœur qui a aimé Goethe, disait-elle, ne peut appartenir à aucun autre. »

De Strasbourg il se rendit à Emniendingen pour visiter le tombeau de sa sœur.

En Suisse, il vit Lavater et passa de belles heures avec lui. Ce voyage lui inspira au retour Jéry et Baetely, fraîche et naïve pastorale où le souffle des Alpes a passé, et que Goethe aima jusque dans sa vieillesse.

Les lettres de Suisse diront le reste. On y verra surtout un homme frappé des merveilles de la nature et qui sait se rendre compte do ce qu’il voit.

Les voyageurs étaient de retour à Weimar le 13 janvier 1780. Dès cette époque, Goethe travaille toujours plus à se rendre maître de lui ; sa passion pour Mme de Stein se calme et se modère ; il s’applique assidûment aux sciences naturelles ; il élabore le plan du Tasse, et commence à écrire ce drame en prose.

Le 27 mai 1782, il perdit son père, qui fut peu regretté. « Mme Goethe peut respirer désormais, » disait le duc en annonçant