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l’étonnement. Hercler lui attribue une sensibilité vraie et profonde, un cœur d’une pureté parfaite. On aurait pu le conclure de ses ouvrages, si l’opinion préconçue de sa froideur et de son indifférence n’avait pas égaré les esprits. « Il n’y a pas, dit Carlyle, une ligne dans Goethe où il parle durement d’une personne, et à peine d’une chose. » Mais une rumeur née de l’ignorance et de l’irréflexion fut propagée par la méchanceté et adoptée en dépit de toutes les preuves contraires.

Goethe venait d’entrer dans sa trentième année ; une page de son journal de cette époque annonce la ferme résolution de renoncer aux folles distractions de la jeunesse. « Dieu veuille, ditril, me soutenir et m’éclairer, pour que, du matin au soir, je fasse ce que je dois, et que je me forme des idées claires sur les conséquences des choses. » C’est dans ce temps qu’il composa Iphigénie, et il ne pouvait donner une preuve plus éclatante de son progrès intellectuel et moral. Cette pièce fut d’abord écrite en prose, comme Gœtz, Egmont, le Tasse, comme Schiller écrivit les Brigands, Fiesco, la Cabale et l’Amour. C’était la mode alors, et les amis de Goethe furent très-mécontents lorsqu’il leur envoya de Rome Iphigénie en vers ïambiques.

Le 28 août 1779, anniversaire de sa trentième année, il fut élevé par le duc à la dignité de conseiller intime, « en récompense de ses services ; » et Goethe s’étonne lui-même d’être arrivé si tôt « à la position la plus élevée à laquelle un bourgeois puisse atteindre en Allemagne. » Les cris de l’envie en redoublèrent : le duc n’y fit aucune attention.

Le 12 septembre, il partit pour la Suisse avec Goethe et de Wedel, grand maître des eaux et forêts. On trouvera dans la deuxième partie des lettres écrites de Suisse un compte détaillé de ce voyage, entrepris et exécuté sans le moindre appareil et dans le plus strict incognito. Les voyageurs se rendirent premièrement à Francfort. Le vieux conseiller eut la joie de revoir ce fils, dont il devait être si fier, et d’héberger le prince dans sa maison bourgeoise. Mine la conseillère fut, comme on l’imagine, au comble de la joie.

De Francfort ils se rendirent à Strasbourg. Le souvenir de Frédériqne entraîna Goethe à Sesenheim. Il y retrouva la bonne et simple famille telle qu’il l’avait laissée huit années auparavant. Voici en quels termes Goethe rend compte de cette visite dans sa lettre à la baronne de Stein : « J’ai été amicalement reçu. La fille cadette m’avait aimé autrefois plus que je ne le méritais et plus que d’autres auxquelles j’ai voué beaucoup d’amour. Je dus la quitter dans un moment où iL faillit lui en coûter la vie. Elle a passé légèrement sur