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qu’il composa la Manie du sentiment, satire dramatique qui a beaucoup perdu de sa verdeur et de sa vivacité dans la forme sous laquelle on la trouve parmi ses œuvres théâtrales. C’est une de celles que nous avons cru devoir supprimer dans notre traduction. Au mois de mai 1778, Goethe fit avec le duc un voyage à Berlin.

Il n’y resta que peu de jours. Il vit le roi au milieu de ses singes, ses chiens et ses perroquets. Il ne communiqua avec personne et se tint enfermé. Qu’avait-il de commun, a-t-on dit, avec un Nicolaï, un Ramier, un Engel, un Zoellner et leurs pareils ? Il vit à Tegel Huinboldt, qui n’était encore qu’un jeune homme de grande espé-" rance. Frédéric ne témoigna à Goethe aucune estime. N’avait-il pas traité de dégoûtante platitude Gœtz de Berlichingen ?

A son retour, le poete fit quelques études d’architecture qui avaient rapport à la reconstruction du château de Weimar. Il mit la preniière main à la transformation du parc, qui n’avait été jusqu’alors qu’un jardin à la française, et qui devint, par ses soins, un lieu admirable par la fraîcheur, la beauté des ombrages et la gracieuse variété des promenades.

Au milieu de ces travaux, il trouvait le temps de se livrer à ses inclinations bienfaisantes. Un homme d’un caractère irritable et soupçonneux fut réduit à la misère par les circonstances et aussi par sa faute. Comme bien d’autres, il implora l’appui de Goethe et lui peignit sa situation avec l’éloquence du désespoir. Goethe lui répondit avec beaucoup de sagesse et d’humanité ; il s’intéressa à son sort, et, pendant plusieurs années, il consacra la sixième partie de ses revenus à tirer cet homme de la détresse, déployant, dans l’accomplissement de cette œuvre charitable, autant de persévérance que de délicatesse et de générosité. Lewes en donne le détail, et il ajoute : « J’éprouve une émotion douloureuse à la pensée qu’un tel homme a été longtemps décrié chez nous, et même dans sa patrie, comme froid et sans entrailles. Des manières un peu réservées, un certain défaut d’enthousiasme politique dans sa vieillesse, voilà les faits sur lesquels on a voulu établir l’idée bizarre qu’à la manière d’un Jupiter Olympien, il avait trôné sur l’humanité et abaissé ses regards sur la vie sans y prendre intérêt. Comment un tel homme aurait-il pu être le premier poete de son temps ? Aurait-il pu écrire Egmont, Faust, Wilhehn Mcislf.r, Hermann et Dorotlice, sans avoir connu et senti les joies et les douleurs de l’humanité ? Ajoutons qu’on ne pouvait connaître Goethe sans l’aimer. Enfants, femmes, professeurs, poetes, princes, tous le chérissaient. Herder lui-même, aigri contre tout le monde, parlait de Goethe avec un respect qui jetait Schiller dans