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un grand port, je me perdis au milieu d’immenses vaisseaux qui dressaient leurs mâtures ; là je passai de pont en pont, cherchant pour mon petit canot un sûr abord. Nous nous plaisons à ces vaines images, parce qu’émanant de nous-mêmes, elles doivent avoir de l’analogie avec toute notre vie et notre destinée.

J’ai visité le célèbre établissement scientifique qu’on nomme l’Institut ou les Études. Ce grand édifice, et particulièrement la cour intérieure, a un aspect assez sévère, quoiqu’il ne soit pas de la meilleure architecture. Les ornements en stuc et les peintures à fresque ne manquent pas dans les escaliers et les corridors ; tout est noble et bienséant, et l’on s’étonne justement de toutes les choses belles et intéressantes qui ont été lîi rassemblées ; mais un Allemand ne s’y sent pas à son aise, parce qu’il est accoutumé à des études plus libres.

Une observation que j’ai faite autrefois m’est revenue ici à la pensée : c’est que, dans le cours du temps, qui change tout, l’homme renonce difficilement à ce qu’une chose a été une fois, lors même que, dans la suite, la destination en est changée. Les églises chrétiennes gardent toujours la forme de la basilique, quoique celle du temple fût peut-être préférable pour le culte. Les établissements scientifiques ont encore l’aspect claustral, parce que c’est dans ces pieuses retraites que les études ont trouvé d’abord de l’espace et du repos. Les salles de justice des Italiens sont aussi vastes et aussi hautes que le permet la richesse d’une commune : on croit être en plein air, sur la place publique, où la justice était rendue autrefois. Et ne bâtissons-nous pas les plus grands théâtresavectoutesleursdépendances sous un même toit, comme si c’était tout bonnement une décès boutiques de foire que l’on fabriquait de planches pour peu de temps ? A l’époque de la réformation, l’énorme affluence des personnes avides de science fit refluer les écoliers dans les maisons bourgeoises ; mais combien n’avons-nous pas laissé écouler de temps avant d’ouvrir nos maisons d’orphelins, et de procurer aux enfants pauvres cette éducation du monde, qui est si nécessaire ?

Bologne, 20 octobre, au soir.

J’ai passé toute cette belle journée en plein air. Je m’approche à peine des montagnes, et déjà je suis attiré de nouveau par