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pollon, et voue au dieu, comme suprême offrande expiatoire, la hache cruelle qui a causé tant de maux dans la maison de Pélops. Par malheur, un des Grecs survient, et lui raconte comme il a accompagné Oreste et Pylade en Tauride, comme il a vu conduire à la mort les deux amis et s’est sauvé heureusement. L’impétueuse Electre ne se connaît plus, et ne sait si elle doit tourner sa fureur contre les dieux ou les hommes. Cependant Iphigénie, Oreste et Pylade, sont aussi arrivés à Delphes. La sainte tranquillité d’Iphigénie contraste merveilleusement avec la passion terrestre d’Electre, quand les deux personnages se rencontrent sans se connaître. Le Grec échappé voit Iphigénie ; il reconnaît la prêtresse qui a sacrifié les deux amis et dénonce le crime à Electre. Celle-ci est sur le point d’immoler Iphigénie, avec la même hache qu’elle ressaisit sur l’autel, quand un heureux événement détourne de la famille cette dernière catastrophe. Si cette scène réussit, on n’aura peut-être jamais rien vu au théâtre de plus pathétique et de plus grand. Mais où prendre des mains et du temps, quand même l’esprit serait bien disposé ?

Tandis que je me sens accablé par une surabondance de choses désirables et belles, il faut que je conte à mes amis un rêve que je fis, il y a justement une année, et qui me parut assez significatif. Monté sur un grand canot, j’abordais dans une île fertile, couverte d’une riche végétation, et que je savais peuplée de faisans magnifiques. Sans tarder un moment, je traite avec les habitants pour qu’ils me vendent de ces oiseaux. Ils en tuent d’abord un grand nombre et me les apportent. C’étaient bien des faisans ; mais, comme les songes transforment tout, on voyait de longues queues colorées, ayant des yeux comme celles des paons et des oiseaux de paradis. On me les apporta en masse dans le canot, on les y plaça la tête en dedans, entassés si joliment, que les longues (jueues bigarrées, qui pendaient en dehors, produisaient, aux rayons du soleil, la masse la plus magnifique qu’on puisse imaginer, et tellement riche, qu’il restait à peine une petite place à l’avant et à l’arrière pour les rameurs et le pilote. Nous voguâmes ainsi sur une mer tranquille, et cependant je me nommais les amis auxquels je voulais faire part de mes brillants trésors. Enfin, étant abordé dans